Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, chers collègues,
Nous sommes réunis aujourd’hui pour voter le prochain PLUiH, c’est-à-dire le Plan Local d’Urbanisme intercommunal et d’Habitat, document majeur qui fixe la manière dont nous allons construire et urbaniser la métropole pour les 10 prochaines années. Merci encore aux services qui ont travaillé dur sur ce document dans des délais extrêmement contraints.
Soyons clairs, les choix que nous faisons aujourd’hui engagent l’avenir de nos enfants dans un contexte de dérèglement climatique qui nous oblige à anticiper ses effets, et à faire des choix pour que notre métropole reste vivable pour tous. Pour l’avenir, nous devons garantir à tous les métropolitains un ensemble de conditions assurant la qualité de vie :
- un égal accès à des logement de qualité avec des services et des emplois de proximité,
- une organisation de la métropole qui ne conduise pas les métropolitains à gaspiller des heures dans des déplacements motorisés avec des conséquences climatiques et sanitaires,
- un accès à l’eau potable et à une alimentation de proximité et de qualité,
- un accès à des énergies décarbonées
- et des accès de proximité à la nature et aux loisirs.
- L’anticipation et la préparation aux crises à venir
Pour cela, nous devons urgemment mettre en œuvre une politique de sobriété.
Or, nous avons aujourd’hui une métropole qui devient de plus en plus invivable à cause de votre doxa libérale basée sur le mantra de l’attractivité et du rayonnement économique, doxa qui a fait grossir Toulouse et sa métropole au détriment de la qualité de vie que nous attendons tous.
C’est pourquoi vous devez revoir votre logiciel pour construire une société du partage et de la coopération. Nous devons stopper cette politique d’attractivité à marche forcée de la métropole, qui veut attirer sans cesse plus d’emploi et d’habitants, alors que les politiques de transports, d’accès aux services et de logement ne suivent pas. Alors que la loi ZAN nous oblige à l’économie foncière, tout cela ne tient pas.
Aujourd’hui, nous avons nous, élus, une responsabilité devant l’histoire.
Selon le dernier rapport du GIEC, d’ici à la fin du siècle, 75 % de la population mondiale pourrait être exposée à des vagues de chaleur mortelles, notamment dans les villes, contre 30 % aujourd’hui. Nous n’avons pas su collectivement nous saisir du rapport Meadows de 1972 sur « Les limites de la croissance ». Un demi-siècle plus tard, nous ne devons pas refaire les mêmes erreurs et nous devons choisir entre faire « trop peu, trop tard », ou faire un « pas de géant », comme le propose le dernier rapport du Club de Rome, qui confirme que « notre régime de croissance reste insoutenable ».
C’est pourquoi la question des projections de population accueillies, que nous avions soulevée en mars 2023 à l’occasion du vote du PADD, c’est-à-dire le projet d’aménagement et de développement durable, est une question essentielle et centrale pour juger de ce PLUiH.
Nous vous avions d’ailleurs reproché, monsieur le Président, de vous doper à la CAME, vous savez la Compétitivité, l’Attractivité, la Métropolisation et l’Excellence. Vous êtes dépendant du capitalisme néolibéral et en bon supporter du macronisme, vous continuez à tenir un double langage, le fameux « en même temps » en promettant tout à la fois l’attractivité et la sobriété alors que c’est incompatible.
Et juste avant le vote du PADD, je vous avais interpelé, ainsi que Mme Laigneau, car nous voulions absolument comprendre comment avait été construit et retenu l’objectif d’accueil de 90 000 habitants sur 10 ans soit 9 000 par an. Vous répondiez inlassablement que c’était les « données de l’INSEE » mais vous refusiez en même temps de justifier cette assertion et de nous communiquer ces données sur lesquelles vous prétendiez vous appuyer.
Ces données populationnelles sont essentielles, parce que les objectifs de construction fixés à 7 200 puis à 7 400 logements par an et les objectifs d’emplois, sont la conséquence directe de cet objectif d’accueil qui nous paraissait déjà particulièrement dangereux et insensé. Sachant que les services eux-mêmes ont estimé que la capacité maximale d’accueil de notre territoire est de 63 000 habitants, soit 17 000 de moins.
Ce n’est finalement qu’après le vote du PADD que nous avons fini par obtenir, à force de relances, le rapport de présentation et de diagnostic du territoire que vous aviez refusé illégalement de nous fournir avant le vote.
C’est ainsi que nous avons découvert que vous avez menti à l’ensemble des élus et aux métropolitains en affirmant qu’il fallait se préparer à accueillir 9 000 habitants par an, et que cela correspondait à un scenario intermédiaire entre le scénario central et le scénario population haute de l’INSEE.
Pourtant, dès novembre 2022, vous disposiez de nouvelles données de l’INSEE qui avait revu ses projections à la baisse avec trois scenarios d’augmentation de la population, compris entre 4 900 et 8 900 habitants, et non 10 100 habitants. Nous aurions donc dû nous appuyer sur un scenario maximal d’environ 7 900 habitants supplémentaires par an.
Vous expliquez aujourd’hui que ces données n’ont pas pu être intégrées au PADD car les communes ont dû voter le texte avant que nous le votions au niveau métropolitain. Pourtant, les votes des communes ne sont intervenus qu’entre le 25 janvier et le 10 mars 2023. Il était donc tout à fait possible d’intégrer les nouveaux scenarios de l’INSEE à ce PADD. Vous avez donc volontairement et sciemment trompé les maires et les métropolitains : pourquoi ?
Une des explications possibles est-elle liée à votre trop grande proximité avec le monde de la construction, questionnant un possible conflit d’intérêt ?
En effet, il est problématique que toutes vos hypothèses de production de logements soient basées sur des données périmées et qui vont conduire à produire, d’une part plus de logements que nécessaire, et d’autre part à consommer inutilement du foncier. Tout ceci donne le sentiment que vous faites construire plus pour le bénéfice de vos amis promoteurs que pour loger les métropolitains et leurs enfants. Alors que les nouvelles données populationnelles devraient conduire à revoir à la baisse les objectifs de production de logements et à les ajuster aux capacités du territoire.
C’est pourquoi nous vous demandons instamment de relancer un débat sur le projet d’aménagement stratégique du Schéma de cohérence territoriale, document d’urbanisme à l’échelle plus large de la grande agglomération toulousaine. Ceci de façon à intégrer les dernières données de l’INSEE en matière populationnelle, sachant que nous devons approuver le SCOT d’ici 2027. Nous regrettons d’ailleurs, alors que la révision du SCoT aurait pu et dû être votée avant le PLUiH, que vous ayez choisi et nous ayez imposé ainsi qu’à vos partenaires des collectivités voisines, un report de ce vote pour ne pas avoir à tenir compte de ce document dans l’élaboration du PLUiH. Ce qui a une incidence notamment en matière de consommation d’espaces naturels et forestiers.
Après mon intervention, je laisserai mes collègues développer davantage le manque de construction collective des documents d’urbanisme, ce qui est préjudiciable à l’appropriation des enjeux par les habitants. Sur la méthode, vous n’avez toujours tiré aucune leçon de l’annulation infamante de vos deux documents programmatiques d’urbanisme et de transport au motif de l’insincérité et de l’absence de confrontation de plusieurs scenarios.
Vous continuez à mentir, à dissimuler et à construire un projet de poursuite de l’hypermétropolisation qui nous emmène droit dans le mur. Vous continuez à jouer au capitaine du Titanic. Vous savez que les canots de sauvetage seront pour la 1ère classe et vous sacrifiez volontairement les classes populaires sur l’autel du capitalisme.
Concernant la politique de production de logements et notamment de logements sociaux, nous apprécions que, pour la première fois, cette production soit territorialisée pour chaque commune, y compris pour Toulouse, et que cette territorialisation prévoit des objectifs spécifiques pour les PLAI et les PLUS. Nous regrettons néanmoins que vous n’ayez pas été jusqu’à fixer des obligations spécifiques concernant les PLAI, c’est-à-dire les logements très sociaux. En effet, nous regrettons depuis le début de ce mandat que, pour 10 logements neufs produits, un seul seulement soit un logement très social. Alors que près de 80% des 34 000 demandeurs de logements sociaux relèvent du logement très social et qu’avec un tel rythme de production il faudrait compter une quarantaine d’années pour répondre à la demande. Sous réserve qu’il n’y ait pas de nouvelle demande, alors même que ces demandes augmentent chaque année. Et dans un contexte où nous manquons de logements très sociaux, vous continuez à détruire des logements de qualité plutôt qu’à réhabiliter. Vous gentrifiez, vous chassez des villes les catégories les plus populaires ou vous les obligez à s’endetter en se logeant dans le logement spéculatif.
La faute est double : sociale et écologique.
De plus, la territorialisation de la production n’a absolument pas été discutée avec l’ensemble des élus et n’a jamais été discutée ailleurs que dans le bureau du maire-président et uniquement avec les maires des 37 communes. Encore une occasion ratée d’utiliser l’intelligence collective et aussi l’expertise des habitants ! Et si le document graphique du règlement concernant la mixité sociale est un plus, sa lisibilité reste problématique et ne nous a pas permis d’évaluer finement les limites des différents secteurs retenus. Nous ne savons absolument pas quels arbitrages ont été faits et sur quelles bases.
Par exemple, est-ce que la côte pavée va enfin pouvoir bénéficier de suffisamment de logements sociaux, pour la faire sortir du communautarisme des plus riches ? Nous en doutons à cause des règles fixées.
Même si vous augmentez le nombre de secteurs de mixité fonctionnelle, nous aurions aussi souhaité que ce PLUiH soit l’occasion d’un vrai changement de paradigme en matière de spécialisation des territoires. De même, le manque de transports collectifs performants en dehors des plus grosses villes centres amène logiquement à densifier ces secteurs. Et donc à concentrer encore davantage la population au même endroit, ce qui va entraîner davantage de désertification des communes les plus excentrées. Encore une fois, nous regrettons l’absence de vision globale à l’échelle du territoire métropolitain et d’approche d’aménagement réel du territoire à l’échelle de la grande agglomération avec une politique réelle de coopération entre territoires pour mieux répartir les populations et les activités. Quant au principe d’une OAP environnementale, qui est un progrès, nous regrettons son caractère insuffisamment prescriptif.
Enfin, sur la nécessaire densification des espaces urbains afin d’économiser les espaces naturels agricoles et forestiers dont l’effet poumon vert est essentiel, nous n’avons pas trouvé de réponses à la hauteur des enjeux. En effet, la question n’est pas de densifier ou de ne pas densifier. La question est de savoir de quelle densification on parle. Et là non plus nous ne trouvons pas notre compte.
Nous pensons que la densification que vous proposez ne ménage pas suffisamment d’espace de pleine terre et ne prévoit pas de balcons, loggias et terrasses de surfaces suffisantes pour permettre à chacun de bénéficier, en habitat collectif, de suffisamment d’espaces privés ouverts sur l’extérieur. De même, toujours rien sur la nécessaire production de logements réellement accessibles à tous qui nécessite de construire 100% de logements accessibles, c’est-à-dire tous desservis par ascenseur, pour mettre fin au scandale des personnes âgées et handicapées qui se retrouvent prisonnières de leur logement faute que vous ayez anticipé le besoin. La réflexion n’est pas non plus aboutie sur la lutte contre les ilots de chaleur et le pourcentage de logements traversants insuffisant. De même, alors que la densification aurait permis de laisser davantage d’espaces entre les divers bâtis, on continue à ne pas respecter l’intimité des habitants avec des constructions trop proches les unes des autres.
Nous nous inquiétons aussi de l’absence de règles assurant un retrait suffisant des futures constructions afin d’assurer des largeurs suffisantes partout pour des trottoirs et des arrêts de transports en commun accessibles aux personnes à mobilité réduite, des pistes cyclables sécurisées, et des voiries permettant le passage de bus en site propre. Une nouvelle fois, vous ne tirez aucune leçon de la condamnation récente de la métropole par le tribunal administratif pour la mise en danger d’une militante handicapée de l’association Handi-Social. Pour rappel, la ville et la métropole ont laissé construire une résidence chemin du château de l’Hers qui empêche de rendre les trottoirs accessibles aux personnes à mobilité réduite et oblige les bus et les camions à monter sur les minuscules trottoirs pour se croiser, ce qui a occasionné de nombreux accidents et a mis en danger la vie de notre militante et de sa fille.
Quant à l’enjeu de prévention et d’adaptation aux conséquences du dérèglement climatique, notamment sur les inondations, y compris les pluies diluviennes, et sur les canicules, les incendies, les risques sanitaires, nous regrettons que ces enjeux ne soient pas davantage anticipés et préparés. Nous regrettons aussi l’absence de politique lisible quant au risque existant de retrait-gonflement des argiles, très présent sur notre métropole.
Pour finir, nous regrettons que notre proposition d’intégrer dans la version numérique du PLUiH des liens hypertextes favorisant la navigation entre règlement écrit, documents graphiques, OAP, POA, et les annexes, n’ait pas été retenue afin d’en faciliter la lecture et l’utilisation.
En conclusion, alors que ce document programmatique aurait dû être l’occasion de débats de fond, de choix stratégiques pour une métropole désirable où chacun aurait réellement sa place, vous persistez dans vos choix dogmatiques de toujours plus de compétitivité et d’attractivité pour le bénéfice d’une petite caste tout en construisant une métropole qui devient irrespirable.