Disons le d’emblée ce type de dispositif budget participatif est louable et s’inscrit dans une perspective positive de donner de la place et de la voix aux habitantes et habitants mais de la même manière que je soulignais les incohérences à vouloir défaire à droite ce que vous faites à gauche, soulignons d’emblée que vous mettez 8M d’euros pour l’intégralité du budget participatif quand la Jonction Est, bretelle d’autoroute inutile en ville refusée sur la même plateforme participative, en engloutit 80, 10 fois plus. Je pourrais aussi parler du biais terrible de ces dispositifs qui invitent à la table toujours les mêmes et invisibilisent les inaudibles.
Mais ce n’est pas ce que je souhaite souligner. Ce dont je souhaite parler ici c’est de transparence et d’effet boomerang. Car la démocratie participative, après une lune de miel politique ces dernières années dans bien des collectivités, se heurte à des limites. Soyons clairs. Elle est nécessaire mais elle est souvent dévoyée et limitée. A l’heure où notre démocratie a été saccagée par les 2 mandats d’Emmanuel Macron à coups de 49.3, de LBD, de dissolution, de refus du verdict des urnes, les chiffres du baromètre de la confiance en politique du CEVIPOF sont clairs:
- 70% des français n’ont pas confiance dans la politique
- 68% des français considèrent que la démocratie ne fonctionne pas alors qu’ils n’étaient “que” 48% en 2009
- 80% des français ne font pas confiance aux partis politiques
Il est urgent de redonner confiance en l’action publique et tout ce qui peut amener un sentiment de manipluation et de manque de transparence doit être évité. Je prendrais 4 failles du dispositif actuel qui ont créé un effet déceptif considérable auprès des participants :
- D’abord elles ont été le théâtre d’un détournement du dispositif: les ateliers citoyens. Annoncés en grande pompe en 2020, et ayant attiré des citoyens motivés, ils ont été réduits au final à un système de tri des Idées pour mon quartier. Après 4 réunions en 2 ans et demi, le niveau d’engagement ne cessera de décroître, les participants n’étant plus que 10% du groupe initial, groupes de parole qu’on a borné à faire s’exprimer sur des actions limitées, souvent des projets de composteur local alors que depuis janvier c’est une obligation légale pour la métropole. Mais miracle en janvier, les mohicans présents depuis le début voient affluer une centaine de nouvelles personnes. Comment est-ce possible? Après enquête, la mairie est allée piocher partout: dans les autres ateliers, dans les conseils citoyens, au mépris des règles qu’elle a elle-même edicté pour tenter de sauver la face
- Ensuite je le disais au départ, c’est l’application du 2 poids 2 mesures: on trouve ainsi des projets avec 15 votes sur la plateforme numérique mis en avant comme de belles réussites de plébiscite alors que 400 avis opposés à la Jonction Est, ce n’est pas représentatif.
- Vient le filtrage opaque des idées: un dos d’âne refusé soi disant car il coute plus de 250 000 euros (je nous savais surfacturé par les entreprises de travaux publics mais là…), des travaux rejetés car « prévus après mandat », d’autres « parce que ça nécessiterait concertation » (ben justement…), parfois des idées « fusionnées » car jugées proches sans accord de leur propriétaire. Là encore la frustration est montée.
- Enfin le 4ième point, c’est le détournement budgétaire: il n’y a pas de budget sanctuarisé pour toutes ces idées. Les 8M d’euros sont virtuels, ils sont pris sur les budgets existants de la voirie par exemple. Et donc on se retrouve à présenter comme idées citoyennes de très nombreux projets cyclables ou même la construction de morceaux du REV déjà planifiés ou encore celle d’un “Cédez le passage” ou d’un “Recup Verre”. Paris par exemple, par transparence, a clairement posé que son budget participatif ne pourrait servir à de l’aménagement routier ou de la voirie. Je vous invite à suivre cet exemple.
Votre budget participatif n’est donc malheureusement qu’une cautère sympathique sur la jambe de bois de la démocratie locale. Il faut passer du budget participatif à la participation au budget, trouver une place aux citoyens et à la société civile organisée dans la délibération publique. Il nous faut intégrer les habitantes et habitants dans la délibération et tendre vers une démocratie délibérative, qui sortira démocratie représentative et démocratie directe de leurs limites.
Ouvrons les portes de notre démocratie plutôt que s’étonner que les citoyens désertent le paillasson sur lesquels on les laisse.