La crise du logement est majeure, elle touche toutes les couches sociales. Un nouveau fait, les couches moyennes jusque-là protégées sont aujourd’hui concernées.
Tout citoyen, toute personne a besoin d’un logement pour se reposer, se protéger, accueillir, prendre soin, s’organiser, etc. pour avoir une vie sociale normale. C’est parce qu’il est incontournable dans nos vies, qu’il fait l’objet de spéculation par tous ceux qui s’enrichissent par la rente.
C’est bien ce modèle économique de la financiarisation du foncier et du logement qui met notre métropole dans une situation de crise permanente qui affecte particulièrement les couches populaires.
Dès lors, la question du comment faire pour trouver un logement ou comment vais-je faire pour le payer devient une angoisse permanente pour un grand nombre de nos concitoyens.
Pour rappel, 3 % de la population détient plus de 50 % du parc locatif et leur patrimoine a été multiplié par 3. Les logements devenant rares, deviennent chers, 3 millions de logements sont vides à l’échelon national, sans parler des Airbnb qui s’installent durablement et qui ont un impact direct sur le nombre de logements disponibles et sur les prix.
Depuis des années, nous assistons à une baisse spectaculaire de la construction des logements, en particulier les logements sociaux. Tous les signaux étaient au rouge et depuis 15 ans de pouvoir, non seulement vous avez mené une politique plus que timide dans ce domaine, mais de plus, vous avez soutenu toutes les politiques antisociales des différents gouvernements et plus spécialement ceux de Macron : APL rognées, coupes dans les budgets du logement social, facilitation de la procédure d’expulsion, criminalisation et durcissement des sanctions contraintes de squatter (loi Guillaume Kasbarian).
En réalité, la plupart des familles et des personnes sont fragilisés et vivent une situation instable car la part du logement dans les budgets des ménages se situe entre 30 et 40 %. Elle devient insupportable dans un contexte inflationniste avec une stagnation généralisée des salaires. En moyenne, les dépenses pour le logement est de 23% aujourd’hui contre 9,5 % dans les années 60. Ce sont les 25% les plus modestes qui dépensent le plus à hauteur de 32%, contre seulement 14,1% pour les 25% les plus aisés (sources de l’INSEE). En 20 ans les prix des biens immobiliers ont augmenté 4 fois plus vite que les revenus.
Nous assistons depuis des années à un désengagement de la puissance publique qui a fait le choix de réduire les capacités des sociétés HLM et favoriser par la même l’émergence de la financiarisation dans le secteur du logement et du foncier. L’accumulation disproportionnée du capital donne naissance à une société de rentiers, le logement est donc un simple produit spéculatif provocant un déséquilibre entre l’offre et la demande. En un an, les prix des loyers ont augmenté de 4,5% (dernier trimestre 2023). Cette augmentation est due à un recul de 6,6% des biens mis en location selon l’observatoire Guy Hoquet.
L’ADIL en Haute Garonne nous alerte sur une augmentation des locataires concernés par des expulsions et donc des mises à la rue, dues à des loyers de plus en plus chers et des charges en augmentation et des salaires gelés. En 2024, ce sont 5 300 ménages qui ont reçu le commandement de payer, première étape avant l’expulsion.
Le plan logement 2024-2026 de votre majorité est un petit pansement sur de profondes blessures et ne répond absolument pas aux enjeux.
La production de logements sociaux est inadaptée aux besoins : 80% des demandeurs relèvent du PLAI, c’est-à-dire les ménages qui ont comme ressources, moins de 1000€ par mois. En effet, sur les 30% de logements sociaux, il n’y a que 40% de PLAI, seul 1 logement sur 10 est un logement très social.
C’est vrai que comme vous le dites en 2024 vos objectifs ont été atteints. Vous oubliez juste de dire que si on cumulait la production de logements sociaux 2020, 2021, 2023 et 2024 on arrive à un déficit de 1515 logements non construits.
Et si nous nous référons au plan 2024-2026, nous constatons que la rénovation énergétique est aussi insuffisante. Il reste donc un vrai problème à traiter.
En résumé, la situation reste très dégradée et particulièrement inquiétante puisqu’on passe de 42 000 de demandes d’HLM en attente à 45 500 soit une augmentation de 8,33%. C’est un tableau particulièrement sombre qui se dessine devant nous.
Nous pensons qu’il faut prendre le mal à sa racine. Il faut donc décréter que l’accès à un logement digne est une cause métropolitaine. Il faut de ce fait mettre en place une politique courageuse, ambitieuse et juste pour garantir le droit au logement :
- Réguler le marché immobilier et le foncier
- Mettre en place et généraliser le permis de louer pour lutter contre le mal logement et l’habitat insalubre, pour prévenir les risques liés à la santé et à la sécurité
- Instaurer une garantie universelle de loyer, pour agir sur les impayés et les risque d’expulsion locative
- Rénover le parc locatif dégradé et stopper les démolitions des logements HLM solides et spacieux
- Développer l’aide à la rénovation thermique et phonique des logements, surtout auprès des ménages précaires
- Soutenir la production de logements, en particulier le logement social
- Prioriser les 80% des demandeurs très sociaux
- Rétablir la situation financière des HLM
- Réhabiliter le parc existant pour répondre aux exigences de la transition écologique
- Revaloriser les APL et rehausser les minima sociaux
- Augmenter et indexer les salaires et les retraites sur l’inflation
Gouverner c’est d’abord loger son peuple !
Maxime Le Texier :
Mon collègue Jamal El Arch a dressé un bilan général de la situation actuelle du territoire en termes de besoin et de production de logement. Je ne saurais une nouvelle fois insister sur l’importance du logement très social vu les circonstances sociales dramatiques et le fameux PLAI dans cette équation mais aussi de la maitrise de notre foncier qui permet des mécanismes type BRS ou de contribuer au logement étudiant.
Le foncier devient un des éléments les plus précieux d’une stratégie de résilience de notre Métropole et nous voyons trop souvent passer des cessions de terrain qui pourraient être évitées.
Je voudrais compléter les propos donc déjà élaborés pour parcourir, sans dogmatisme, une solution complémentaire qui s’ajoute à la production équitable et répartie du logement. Et qui est discutée régulièrement, je parle du sujet épineux de l’encadrement des loyers, sujet devenu polémique et inflammable mais que je souhaiterais aborder de manière apaisée.
Chaque année nous revoyons le positionnement de Toulouse au regard des 4 critères du dispositif actuel : écart entre niveau de loyer moyen du parc privé vs public, taux logement commencés durant les 5 ans années précédentes par rapport au nombre total de logements, perspectives de production de logements inscrites au PLUiH et enfin niveau de loyer privé médian.
Si en 2019, aucun des critères n’était rempli, en 2022 nous avons un premier critère qui l’a été et la trajectoire des suivants nous fait poser une nouvelle fois cette question sans polémique Mme Traval Michelet : où en sommes-nous et surtout au rythme actuel quand entrerons-nous dans ce qui fait ainsi une zone tendue ?
Et au-delà de l’applicabilité immédiate, l’exemple lyonnais nous invite à nous mobiliser pour demander à l’Etat une révision des critères pour bénéficier du dispositif. En effet, plus le dispositif s’ancre dans le temps, plus il montre des signes encourageants de maitrise des loyers. Et si le nombre de contrevenants dans les annonces reste élevé (1/3 nous dit la fondation Abbé Pierre et madame Laigneau l’avait signalé), il faut noter les tout récents chiffres de la Commission départementale de conciliation (CDC) de Lyon, le service de l’État chargé de mettre bailleurs et locataires autour d’une table, qui indique que 184 signalements ont été effectués auprès de cette instance au cours des trois dernières années qui ont permis de restituer près de 200 000 euros aux locataires, avec en moyenne 1843 euros par saisine. Couplé avec la première condamnation de propriétaire non conciliant en mars, la mairie et la Métropole de Lyon déclarent être confiant sur l’effet de propagation positif sur les annonces.
Certes il faut surveiller les effets de bord de retrait d’offres sur le marché mais le maire de Lyon était là aussi rassurant sur le dispositif et je voudrais donner un chiffre à la fois éclairant et alarmant concernant l’offre T1 et T2 de Toulouse : selon le media PriceHubble, à Toulouse, le loyer médian au mètre carré a augmenté de 11 % sur la période comprise entre le premier trimestre 2021 et le second trimestre 2024, tandis que le volume des annonces a diminué de 39 %. La question se pose donc : peut-on faire pire avec une mesure d’encadrement ?
Une réponse nous est offerte par la même étude, qui s’est penchée sur la question à l’échelle française, en comparant les évolutions prix et offre entre grandes villes françaises encadrées et celles qui ne le sont pas. L’étude révèle que la hausse des loyers a été plus contenue dans les villes où un encadrement des loyers est en place alors que les baisses de volumes sont comparables entre les villes avec ou sans encadrement, pointant des facteurs exogènes à la chute de l’offre (taux d’intérêt, faible production etc.)
Il faudrait donc nous positionner plus activement face à l’Etat sur le sujet ainsi que proposer de l’étendre aux meublés touristiques et aux résidences étudiantes privées et de rétrocéder les montants d’amende à nos collectivités pour pouvoir réinvestir.
Et au-delà de pousser ces initiatives nationales, nous pourrions d’ores et déjà déclencher des dispositifs locaux de pression indirecte sur les propriétaires comme le moteur de simulation de loyer décent mis en place à Lyon pour permettre aux locataires d’en connaître ou étudier des mécanismes de dialogue avec les propriétaires similaires aux commissions de conciliation. En bref, nous préparer à ce qui semble de plus en plus une mesure utile qui mériterait d’être étendue largement.