10.4 Convention de délégation des aides à la pierre 2018-2023 – Habitat Public / Habitat Privé : adoption des avenants 2023 et validation du Programme d’Actions Territorial 2023 – DEL-23-0214
M. le Président, chers collègues,
Si nous nous félicitons de la légère inflexion de votre politique du logement, avec la légère augmentation de la production de logements très sociaux, le compte n’y est vraiment pas ! En effet, 40% de 30% de logement social, ne fait en réalité que 12% de logements locatifs très sociaux sur l’ensemble de la production de logements.
J’ai repris tous vos chiffres pour tenter de voir à quoi conduit votre politique de logement et si elle offre des perspectives réelles d’amélioration, et donc des réponses aux trop nombreuses demandes de logements
sociaux en souffrance sur lesquelles s’appuie la collectivité pour justifier sa politique de toujours plus de béton.
En effet, concernant la demande, nous avions, en 2021, 38 600 demandes de logement locatif social. Or, 77% de ces demandes relèvent des plafonds des logements très sociaux. Cela représente donc 29 700 demandes pour le logement très social.
Tout ceci sans compter les étudiants et apprentis car là la demande dépasse 40 000 logements.
Il est sur ces points très inquiétant de noter la poursuite de l’augmentation des demandes liées au logement très social, passées en 1 an et demi de 75% à 77%. Après les augmentations importantes de ce taux depuis quelques années. Ceci démontre une nouvelle fois que les choix de la métropole ne sont toujours pas destinés à résorber la demande des plus précaires mais au contraire, qu’elle a pour effet de l’amplifier.
En parallèle, sur l’objectif de production, rappelons que l’objectif de logements locatifs très sociaux a été fixé à 5 040 sur la période 2021-2026, soit 6 ans. On prévoit donc d’en construire 840 par an sur le total de 7 000 logements à produire chaque année, soit 12%. A ce rythme, il nous faudrait donc désormais plus de 35 années pour répondre aux demandes actuelles, et ceci sans compter les demandes qui continuent à affluer.
En parallèle, l’objectif est de produire 40% de logements en accession libre, loyer libre et défiscalisation. Vous projetez donc de produire 2 800 de ces logements par an. Sur les 35 ans qui seraient nécessaires pour produire les 29 700 logements très sociaux, cela nous amènerait à 98 000 logements de ce type en accession libre, loyer libre et défiscalisation. Donc, d’un côté, on va mettre 35 ans pour répondre à l’actuelle demande de logement très social, sans compter les nouvelles demandes, et de l’autre on va produire 3 à 4 fois plus de logements pour les investisseurs et les plus aisés.
On peut ainsi comparer les moyens que la collectivité consacre et réserve aux plus aisés et ceux qu’elle consacre aux plus défavorisés. 4 fois plus de logements pour les plus aisés que pour les plus défavorisés. Ces derniers étant pourtant bien plus nombreux que les premiers. On comprend donc bien à quelle population la politique du logement de Jean-Luc Moudenc se destine.
En fait, la production minimaliste de logement social sert de justification à la production bien plus importante de logements qui seront détenus par des investisseurs ou les familles les plus aisées.
Rappelons encore que 77% des demandeurs de logements sociaux ont des revenus inférieurs ou égaux à 1002€ par mois pour une personne seule ce qui correspond au plafond du PLAI. Pourtant, plus de 65% de la production de logement social est destinée à ceux qui ont des revenus compris entre 1823 et 2370 € par mois pour une personne seule dans le cas du PLS, c’est-à-dire le logement dit social mais pas vraiment social.
Ne produire que 12% de logements très sociaux rend totalement impossible la réponse aux besoins réels. Alors, M. Moudenc, arrêtez s’il vous plaît de mentir en racontant partout qu’il faut produire davantage de logements pour répondre à la demande de logements sociaux et loger les plus défavorisés.
En vérité, nous réalisons à quel point votre plaidoyer pour la production de logement social est une excuse qui sert principalement à booster la production de logements libres et d’opérations de défiscalisation dans des proportions bien plus importantes. Si vous vouliez réellement répondre aux demandes de logements sociaux, vous produiriez 75% de PLAI ! Tant que ce taux ne serait pas atteint, nous continuerons à assister à l’augmentation du nombre de demandeurs de logements très sociaux. En réalité, vous organisez l’embolisation du système.
Pourtant le rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes d’Occitanie de 2020 sur la territorialisation de la politique du Logement émet plusieurs alertes appelant à proportionner la
production de PLS à la demande des ménages, à territorialiser la production des différents types de logements sociaux à l’échelle infra-communale, à recentrer la minoration foncière sur les logements les plus sociaux, à mettre en œuvre une nouvelle politique des loyers permise par la loi Egalité et Citoyenneté de 2017, à mettre en place un observatoire des reste-à-vivre et taux d’effort des attributions afin de mieux objectiver les modalités de mise en œuvre de la mission sociale des bailleurs présents sur le territoire métropolitain et à mettre fin à la délégation de l’exercice du droit de réservataire aux communes.
Ce rapport évoque une croissance démographique soutenue mais inégalement répartie, qui s’accompagne d’un phénomène d’éviction des familles vers la périphérie.
Il est vraiment intéressant ce rapport de la Cour des Comptes puisqu’il nous explique que la métropole dispose du rythme de construction le plus élevé des métropoles françaises mais que cette production s’est accompagnée d’une hausse de la vacance qui affecte exclusivement le parc non conventionné, vacance imputable au dispositif de défiscalisation qui ne répond pas à la demande. La Cour soulève le risque de décorrélation entre l’offre et la demande, d’autant plus fort qu’il n’existe pas d’évaluation des vacances de cette catégorie de logements. Vous deviez d’ailleurs mettre en œuvre une étude sur la vacance des logements non conventionnés : où en êtes-vous ?
Car la difficulté du marché privé à répondre à la diversité des besoins conduit à un report de la demande sur le parc social et contribue au départ des familles du territoire métropolitain, plus particulièrement de sa ville-centre, vers les communes périphériques où les prix de l’immobilier, à l’achat comme à la location, sont plus abordables.
Pourtant, il est possible et urgent de rééquilibrer la production de logements, comme le lance actuellement la métropole d’Aix-Marseille-Provence dont le PLH prévoit la production de 50% de logements sociaux, quand nous nous limitons à 35%, et encore en comptant du logement social qui n’a rien de social.
Rappelons que la Conférence Intercommunale du Logement de Toulouse Métropole a fait le constat de la surreprésentation parmi les demandeurs de mutations de plus de 3 ans des ménages de grande taille (5 personnes et plus) et des ménages avec motif handicap et problème de santé.
Pourtant, sur la typologie des logements produits, prévoir 25 logements sociaux T5 et + pour la métropole par an n’est là aussi pas à la hauteur des enjeux. D’autant que vous faites essentiellement du PLUS (21 logements) pour seulement 2 logements très sociaux.
Alors que, selon les données 2020 d’Atlas, la demande de T5 et + concerne 11% des demandeurs de logement social, soit plusieurs milliers de personnes. De même, il n’y a aucun objectif réaliste de production de logements accessibles pour nos aînés et les personnes handicapées.
Pour toute réponse, vous nous indiquez « L’habitat inclusif est un habitat destiné aux personnes en situation de handicap et aux personnes âgées qui font le choix d’un mode d’habitation regroupé”. Or, c’est très majoritairement le manque de logements accessibles qui les oblige à opter pour ces habitats regroupés.
Rappelons que l’habitat inclusif n’a rien d’inclusif et est contesté par le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU qui dans son rapport sur la France de 2021 observe avec préoccupation « les règlements, les structures et les budgets qui favorisent le placement des enfants et des adultes handicapés dans des milieux ségrégués, […] y compris dans les établissements de soins résidentiels de petite taille dits « l’habitat inclusif » ou « l’habitat partagé ».
Vous confondez les demandes des personnes directement concernées avec celle des organisations gestionnaires qui se présentent comme représentantes des personnes handicapées, un peu comme si le MEDEF se présentait comme représentant des ouvriers.
Or il y a des plus en plus de demandes liées à l’autonomie et, compte tenu des coûts d’adaptation des logements existants, il serait économiquement plus raisonnable de cesser de construire des logements neufs qui ne sont pas totalement accessibles, d’autant que l’adaptation des logements existants connaît de nombreuses limites puisque, par exemple, les immeubles sans ascenseur resteront de toute façon inaccessibles et les douches en seuil sont souvent impossibles à réaliser dans l’existant en étage faute de logements conçus pour.
Nous notons aussi que vous continuez à vous appuyer sur une grille de critères de logements dits accessibles qui comporte des erreurs grossières quant à la réglementation applicable, par exemple les dimensions des douches à l’italienne seraient selon ce document de 80x120cm alors que la réglementation prévoit 90*120 de minimum et vous avez prévu la possibilité d’un ressaut de 1cm qui n’existe plus dans la loi.
Par ailleurs, multiplier les possibilités d’accession sociale et à prix maîtrisé à la propriété en prévoyant 20% de la production totale nous semble particulièrement dangereux quand on voit les difficultés des copropriétés anciennes et quand on voit le niveau des salaires par rapport aux prix du foncier et aux taux d’emprunt. Reste le dispositif du BRS qui semble plus adapté.
En effet, si le rêve d’un certain nombre de Français, y compris les plus défavorisés est de devenir propriétaire, incité à cela par la publicité pour le crédit et à l’organisation économique et sociale de notre société capitaliste, il y a près de 25 000 saisies de logements chaque année. Le coût de l’achat sur Toulouse et aussi sur la métropole ainsi que le renchérissement du crédit justifie-t-il une telle production ?
Pour finir, vous nous demandez de voter des documents qui ne sont même pas finalisés : par exemple l’avenant 2023 de délégation des compétences pour lequel vous êtes encore en attente de son actualisation par l’Etat. Si l’on s’en tient aux documents que vous nous avez communiqués vendredi dernier pour ce conseil. Je sais bien que la majorité n’a pas l’habitude de lire les délibérations mais quand même ça donne de plus en plus l’impression que ce conseil n’est pour vous qu’une chambre d’enregistrement et peu importe ce que vous tentez de nous faire voter.