LIMINAIRE MÉTROPOLE – EAU – 4 avril 2024
Monsieur le Président, chèrEs collègues,
Nous sommes ici à l’Union, et comme vous le savez, l’union fait la force !
Ce conseil va être placé sous le signe de l’eau.
Nous aurons une heure de débat tout à l’heure sur ce sujet extrêmement important, mais je vais vous en parler dès maintenant. Surtout, ne vous inquiétez pas, car malgré tout, la source ne sera pas tarie tout à l’heure.
Je consacrerai l’essentiel de mon liminaire à la question d’un de nos biens les plus précieux, l’eau, mais avant cela je voudrais inscrire mon propos dans la continuité de ceux de Marc Péré qui a inauguré cette séance du Conseil de la métropole.
L’enjeu de civilisation qu’il a mentionné nous oblige toutes et tous.
Nous n’avons plus le choix. Il faut bifurquer ou il faut périr.
Nous avons pris beaucoup de retard.
Si nous voulons prendre notre part dans la réduction de 400 TWh de notre consommation d’énergie d’ici à 2050, alors :
- Il faut par exemple stopper tous les projets inutilement énergivores, comme la jonction est ou l’autoroute A69
- Il faut rompre avec l’autosolisme, la culture de la bagnole et provoquer un choc d’offre, par l’accélération de l’intermodalité à travers le SERM et la naissance d’un véritable RER métropolitain, par le déploiement du réseau vélo.
Une telle ambition politique nécessite que la puissance publique récupère tous les leviers de commande dont elle peut disposer :
- Il faut par exemple arrêter de faire des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises, c’est pourquoi nous déposerons un amendement à la délibération sur le vote des taux des impositions directes locales 2024.
- Et Il faut, autre exemple, reprendre le contrôle public de la gestion, de la distribution et de l’assainissement de l’eau.
Près des ¾ de l’eau pompée alimentent l’économie pour produire de l’énergie, des biens industriels, des produits alimentaires.
Depuis 1900, la demande en eau a été multipliée par 8. Cette croissance est due essentiellement à l’industrie et à l’agriculture Ces deux secteurs représentent à eux seuls près de 90% de la consommation totale de l’eau.
L’eau est essentielle pour notre vie. Son manque entraînera des conflits d’usage entre citoyens et acteurs économiques, mais aussi entre les acteurs économiques eux-mêmes.
Le climat et l’eau sont étroitement liés. Le changement climatique renforce les rythmes et l’intensité des pénuries hydrauliques extrêmes comme les crus et les étiages, ce qui aura des conséquences à la fois sur la quantité et la qualité de l’eau. Cette dernière est déjà mise à mal par les contaminations aux produits chimiques (pesticides, médicaments, PFAS, etc).
Les conflits d’usage, liés au changement climatique sont en augmentation dans le secteur de l’agriculture productiviste.
Les méga-bassines concentrent les protestations, les critiques objectives et légitimes en sont un exemple criant.
Dans le secteur touristique le nombre de touristes qui affluent sur les côtes en été déstabilise l’approvisionnement en eau. En hiver, les canons à neige mobilisés pour enneiger artificiellement les pistes des Alpes prélèvent 20 à 25 millions de m3 chaque année. Ces chiffres sont l’équivalent de la demande en eau potable de la métropole de Dijon.
Mais pourquoi fait-on tout cela ? Quelle nécessité réelle ?
On voit bien que le moteur est la finance et le profit de quelques-uns.
Pendant longtemps, trop longtemps, nous avons agi comme si l’eau pouvait être utilisée sans limite, comme si elle était abondante et inépuisable. Nous l’avons utilisée pour tous nos besoins des plus élémentaires et vitaux aux plus dispendieux et démesurés.
L’eau, nous l’avons stockée, acheminée, détournée de ses chemins naturels. En agissant ainsi nous avons fortement déréglé le cycle naturel, participant au dérèglement global du climat, en particulier à son réchauffement. Et nous sommes entrés dans une spirale infernale qui a accéléré la raréfaction de la ressource en eau douce accessible.
Nos ressources en eau baissent et le risque d’en manquer est réalité. Des millions de personnes auront chaud et soif !
Conséquence directe du réchauffement climatique et du dérèglement causé par des modèles et des choix économiques absurdes qui ne font qu’épuiser les ressources de notre planète et tuent la biodiversité.
Nous avançons vers des restrictions d’eau puisque les niveaux de stockage d’eau sont largement entamés.
La Garonne, continue de s’assécher et les précipitations que nous avons connues ne vont pas améliorer significativement l’état des cours d’eau et des nappes phréatiques. Les réseaux d’eau des Pyrénées ne sont plus suffisants, un certain nombre de lac qui permettaient des lâchers et qui alimentaient les cours d’eau l’été sont au point mort.
Au lieu de tenir compte des alertes de scientifiques, d’associations, de militant, vous vous êtes entêtés et enfermés dans un obscurantisme ultra libéral et criminel
C’est dans ce contexte et sans concertation réelle, ni avec l’ensemble des groupes ni même avec les groupes politiques de l’exécutif, vous sortez de votre chapeau la formule magique sensée régler la raréfaction de l’eau : la tarification saisonnière !!
En la mettant en place, c’est sûr, le niveau de l’eau de la Garonne va augmenter !
En quoi consiste-t-elle, cette tarification ? Elle consiste à augmenter nos factures de 42% l’été. Cette décision prise de manière unilatérale se traduira automatiquement par une augmentation du prix de l’eau mais surtout ouvrira un boulevard pour plus d’augmentation dans les années à venir. Elle est le résultat d’une vision purement marchande de l’eau qui s’appuie sur la rareté pour créer plus de profits pour une minorité, celle des actionnaires de Véolia, de Suez et de leurs filiales. Cette tarification est injuste. Elle remet en cause l’accès pour toutes et tous à l’eau, ce droit incontournable d’accéder à une ressource vitale !!
Cette tarification est injuste socialement car elle ne prend pas en considération les valeurs d’usage et ne distingue pas les consommations domestiques et non domestiques. Ce qu’elle cible uniquement c’est l’augmentation de la redevance perçue auprès des usagers par le délégataire.
Cette tarification est une fausse bonne idée car elle n’arrêtera pas la surconsommation des plus aisés, ici je ne fais que citer Mme Traval Michelet.
La problématique et les enjeux liés à l’eau concernent toutes les sphères de la société, tous les acteurs impactant notre environnement et la biodiversité.
C’est dans le cadre d’une vision plus globale contrairement à la vôtre, réductrice et comptable que nous proposons une tarification solidaire, écologique, progressive et différenciée. Cette tarification-là repose sur des valeurs et une vision politique de justice, de solidarité, de sobriété. Nous défendons la mise en place de la gratuité des 20 premiers m3 pour chaque foyer, pour leur permettre de répondre aux besoins physiologiques, sanitaires et sociaux. C’est en quelque sorte la création d’une Sécurité Sociale de l’accès à l’eau que nous proposons.
Les plus gros consommateurs paieront plus chers et nous mettrons en place une tarification progressive par tranches, avec des prix différenciés en fonction de la consommation.
Cette situation dans laquelle nous nous trouvons devrait nous amener à repenser le monde dans lequel nous vivons et à hiérarchiser les différents usages de l’eau.
Il ne s’agit pas seulement d’économiser l’eau dans chacun de ses usages, mais bien de repenser les usages eux-mêmes.
Ce n’est pas parce que l’eau devient rare qu’elle doit devenir chère, de façon indifférenciée.
Parce que l’eau est vitale et qu’aucun être vivant ne peut s’en passer, elle ne peut pas être considérée comme une marchandise quelconque. Et nous ne pouvons pas laisser la loi du marché réguler son utilisation.
L’eau est un bien commun, il faut la sortir d’une gestion confuse, privée qui ne cherche que le profit. Le principe qui veut que l’eau paye l’eau est une formule dépassée car les besoins en investissement sont en augmentation constante, pour la rénovation des réseaux, pour la préservation de la ressource et de sa qualité, pour améliorer la potabilisation nécessaire face aux rejets des polluants.
Les baisses de consommation vont automatiquement engendrées des baisses de recettes. Le système de délégation de service public ne répond pas aux enjeux de sobriété et de justice sociale. Il est donc impératif qu’une gouvernance publique et citoyenne soit mise en place pour garantir l’intérêt général. Seul un service public sera capable de planifier, d’encadrer les financements, les usages, les volumes de consommations, les tarifications, les études et les diagnostics à mener.
C’est pourquoi l’eau doit être SANCTUARISÉE.