Je voudrais développer rapidement 3 (ou 4) idées
1 – L’inquiétude liée au contexte national
Le gouvernement a annoncé une baisse de 10 milliards d’euros sur le budget initialement prévu, dont 100 millions pour la culture. Si le ministère de la Culture a annoncé qu’il allait absorber cette baisse pour cette année, pour la suivante, les conséquences se feront évidemment sentir et il est urgent pour notre collectivité d’anticiper cela.
Parce que l’enjeu est que les plus grosses structures culturelles, habituellement subventionnées nationalement vont, face au désengagement de l’État, se tourner vers les Collectivités territoriales, qu’elles auront de bons arguments pour cela, mais que, par ricochet, celles-ci pourraient faire le choix de réduire leur soutien aux plus petites structures dont le rôle est pourtant essentiel, d’un point de vue économique et social localement.
Les petites structures culturelles sont celles qui prendront le plus fort le choc de la réduction des moyens pour le secteur, parce qu’elles sont plus fragiles, qu’elles fonctionnent avec moins de moyens, donc ce sont elles qui subissent le plus fortement les baisses de subventions ou leur maintien à un niveau égal dans un contexte d’inflation. D’autant qu’elles font aujourd’hui déjà face à des difficultés qui les contraignent à la précarité de leurs équipes, qui appauvrissent leur pouvoir d’agir.
Et c’est injuste, d’autant plus que la vitalité du tissu culturel local produit un effet domino, multiplicateur, un ruissellement, sur l’emploi culturel local, sur les débouchés pour les artistes locaux, sur les commerces type restaurants situés à proximité, etc. En étant souvent plus abordables en termes de tarifs, en proposant une programmation originale dans laquelle les artistes locaux ont leur place, elles favorisent l’accès de toutes et de tous à l’offre culturelle. Bref, leur vitalité participe du rayonnement d’une ville.
2 – La mise en place de critères pour expliciter le soutien de la collectivité
En début de mandat, nous avions insisté sur la nécessité de rendre plus lisible et transparent l’octroi de subventions, dans un souci d’améliorer la confiance des associations vis-à-vis de la Mairie.
Ce travail a été engagé et, même si c’est toujours perfectible, a permis une évolution intéressante de la manière de travailler. Nous remercions à cet égard Monsieur Alves et les services qui ont œuvré pour rendre cela possible.
Dans le secteur culturel en particulier, même si c’est aussi vrai dans d’autres domaines, la définition de critères ne doit pas empêcher de proposer une vision claire des orientations politiques de la collectivité. D’assumer la dimension politique des attentes.
Cela passe par la proposition de critères qui correspondent à des axes d’engagements et pas seulement à des critères chiffrés (l’apport des différentes structures ne peut pas se lire uniquement à travers les chiffres de la fréquentation), à des critères très généraux (comme par exemple la dimension écologique des projets ou la nécessité de favoriser l’égalité femmes hommes). Même si ces aspects sont essentiels, leur caractère général fait que le choix final restera un choix politique tacite et non transparent. Et donc cela ne résout qu’imparfaitement le problème posé au départ.
En outre, sélectionner des critères trop généraux, dans le cadre d’une logique d’appels à projets, a pour effet de mettre les différentes associations et structures en concurrence les unes avec les autres. Or, nous sommes convaincus que la vitalité culturelle d’un territoire ne passe pas par le fait de créer des tensions et inimitiés entre acteurs mais bien plutôt de favoriser leurs complémentarités. Et pour cela, il est nécessaire d’introduire de la nuance dans l’appréhension de la réalité vécue par les différentes structures.
3 – Aller plus loin avec des conventions pluriannuelles
En début de mandat, nous avions également fait une autre recommandation, celle de proposer des conventions pluriannuelles quand cela était possible, dans l’idéal en remplacement des appels à projets qui ont de gros défauts, cela pour permettre aux associations de se projeter, d’inscrire leur action dans le temps.
Cette mesure, qui est une demande faite régulièrement par le monde associatif, nous paraîtrait particulièrement pertinente dans le secteur culturel. Et ce pour plusieurs raisons :
- Parce que le secteur culturel a pour spécificité d’inscrire souvent ses projets dans un cadre multipartenarial
- et que, pour cette raison notamment, cela peut prendre du temps de se structurer pour monter des actions cohérentes et pertinentes.
- Il peut parfois y avoir des obstacles indépendants des structures elles-mêmes, qui empêchent un projet de se réaliser, comme on l’a vu plus haut sur une action inscrite dans le cadre du printemps des poètes.
Par conséquent, proposer des Conventions d’Objectifs et de Moyens, co-construites, peut contribuer à lever les incertitudes quant à la pérennité du soutien de la Mairie et ainsi permettre aux structures de proposer des actions plus ambitieuses.
Et ce serait vertueux bien au-delà des structures elles-mêmes.
4 – Les limites du mécénat
Dans un contexte de raréfaction des ressources attribuées par les collectivités territoriales, les assos culturelles sont encouragées à diversifier leurs sources de financement et notamment à rechercher du mécénat.
Même si cela n’est pas toujours problématique, on peut tout de même peut-être tomber d’accord sur un effet pervers de cette voie de financement. Les entreprises qui proposent de financer des projets culturels pourraient, voire ont, tendance à privilégier les structures qui ont déjà fait leurs preuves, les projets qui sont sûrs d’avoir du succès, des projets grand public, des reprises de pièces de théâtre très connues, par exemple. Et c’est très bien, mais le problème est qu’en revanche, les compagnies plus méconnues, les programmations qui expérimentent, qui inventent, qui innovent, qui sortent de l’ordinaire, risquent de ne pas pouvoir bénéficier de ce type de soutiens financiers. Et c’est dommage.