9.1 Adoption du contrat territorial
Ceci était un moment attendu, au moins depuis 5 ans pour ma part et mon arrivée au sein du conseil. Des négociations longues et difficiles avec la Région qui enfin accouchent d’engagement fermes et je tiens à remercier Joseph Carles, les équipes de M. Reymund puis Mme Mirochnitchenko de leurs efforts pour garantir à notre Métropole et nos communes une visibilité claire sur les investissements financés même si nous aurions bien sûr aimé plus d’engagement puisque l’on passe de 65M espérés encore en 2023 à 38M aujourd’hui.
Côté méthodologie nos souhaits de transparence sur les critères de ventilation et entre les communes et d’arbitrage sur les projets ont aussi été entendus, même s’il reste encore des incompréhensions à lever pour quelques projets retoqués.
Nous voulions profiter de cette délibération pour parler prospective et orientations stratégiques de notre Métropole car il est trop peu souvent évoqué ce sujet de la prospective et de l’avenir de notre Métropole dans cette enceinte.
Et je vais illustrer par un exemple qui me tient à cœur : l’hydrogène. Dans ce CTO est maintenu depuis le début l’ambition de faire de Francazal, je cite “la base régionale d’innovation et de développement de la filière hydrogène”. Or, cette dernière a du plomb dans l’aile si j’ose dire.
En effet c’est l’annonce choc de la semaine rapportée par Les Echos, Airbus déclarait semaine dernière reporter sine die ses 3 concepts ZeroE d’avion à hydrogène avec a minima 5 à 10 ans selon le syndicat FO. Et le secteur du transport terrestre qui annonce dans le même temps se questionner sur l’alternative hydrogène dont les couts au kilo restent bien trop hauts. Cela après que l’agence internationale de l’énergie ait déjà émis l’an dernier émis des doutes sérieux sur la capacité mondiale de décarbonation de la production d’hydrogène et que l’ADEME ait conclu que son usage devrait, je cite, rester très ponctuel, limité au nécessaire, avec d’abord une sobriété nécessaire sur les usages énergétiques.
Sachez que ça ne me fait pas plaisir d’une nouvelle fois après le fiasco Hyperloop de dire “On vous l’avait dit”. Avoir raison n’a aucun intérêt si on n’en apprend rien.
Alors qu’en retenir : que nous ne nous adressons pas aux bonnes personnes quand il s’agit d’effectuer des investissements économiques sur le territoire. Dans ce cas précis, la mise en service pour 2035 d’un ZeroE , annoncée en grande pompes en 2020, était infaisable n’importe quel ingénieur d’Airbus le savait. Je n’en veux pas à mon ancien employeur qui était parfaitement dans son rôle d’entreprise privée de faire cette annonce, qui lui permettait de ralentir la fronde sociétale croissante sur le cout carbone du secteur aérien et s’afficher en bon élève de la planète aéronautique, tout en captant des financements européens utiles pour maintenir un bureau d’études nourri de nouveaux projets quand aucun nouveau porteur n’est en cours d’élaboration.
Airbus était dans son rôle.
Je nous en veux à nous éluEs de ne pas écouter la société civile, les syndicats, les associations, les ingénieurs, la communauté scientifique et universitaire, les habitantes et habitants mais de ne se tourner que vers le service communication des décideurs. Tout le monde savait pour le miroir aux alouettes qu’était la date de 2035 du ZeroE.
Nous aurions dû être bien plus précautionneux avant d’engager de l’argent public dans le Technocampus.
Cela me rappelle le fameux rapport Toulouse Territoires d’Avenir Tirole-Guillou dont je reconnais les qualités personnelles mais dont le rapport avait des failles béantes : celles de n’avoir consulté aucun syndicat en dehors du MEDEF, aucune association, aucun habitant pour envisager les perspectives de développement de la ville.
C’est toujours le même angle mort majeur de notre politique économique, celle de ne s’adresser qu’aux prescripteurs, qu’à celles et ceux dont le rôle est de nous faire croire en série au miracle technologique avec des exemples récents ubuesques comme le vélo à hydrogène dont je n’ose même pas imaginer comment maintenant vous allez vanter la modernité et dont je pense que le minimum de décence vu les annonces qui viennent d’être faites serait de reconsidérer ce déploiement clinquant.
Si je prends un peu de recul aussi, l’Hyperloop du mauvais génie Musk, dont on mesure malheureusement mieux aujourd’hui, la mégalomanie, nous avait déjà couté, je le rappelle, 3 ans de loyer gratuit à 92500 euros l’année, une dépollution/démolition entièrement assurée par la Métropole pour 5.44M d’euros alors que le coût aurait dû être partagé avec l’Etat et un mess des sous-officiers qui a continué à se dégrader sans être rénové comme signé par l’entreprise, et qui nous a obligé à mettre 6.5M de rénovation dans ce bâtiment d’ailleurs cité dans ce CTO. Posons-nous enfin la question de comment nous élaborons nos stratégies d’investissement économique et avec qui.
Sur Hyperloop, je rappelle que le propre biographe de Musk , Ashley Vance avait relaté dans son livre en 2016 que le véritable objectif de Musk avec Hyperloop n’était pas de proposer quelque chose de crédible (d’où le fait qu’il n’a jamais breveté l’idée) mais de saborder le projet du California High-Speed Rail (CAHSR), un train à grande vitesse californien.
Combien de temps allons-nous donc croire à ces récits technosolutionnistes sans regard critique ? Comment nous entourer convenablement pour élaborer nos politiques et notre prospective ?
Alors ça tombe bien, je viens aux nouvelles. Car en bon écologiste, je suis résilient et plein d’espoir. Donc je n’ai toujours pas laissé tomber le suivi du vœu adopté ici à l’unanimité du 17 décembre 2020 qui portait sur la définition d’une stratégie et d’un plan opérationnel hydrogène pour 2023. Ce plan, nous ne l’avons toujours pas, et bien que je sois sûr que nous aurions pu l’élaborer en concertation avec les acteurs de notre Métropole, nous l’avons sous-traité pour 200 000 euros. 3 ans donc à regarder un vœu pour décider de le faire faire ailleurs.
Et en parallèle, ce n’est pas moins de 2,7M d’euros que la Métropole s’est engagé à investir dans le Technocampus au titre du CPER pour des investissements dans des moyens d’essai et dans le bâti, investi dans un centre qui, je cite, “vise à devenir un maillon-clé du développement des futurs moteurs à propulsion hydrogène, notamment des « avions verts » de demain fonctionnant à l’hydrogène ».
J’aurai donc 4 questions pour bien comprendre notre position sur l’hydrogène et le Technocampus :
- Où en est le rapport Hydrogène ?
- Avec qui a-t-il été construit en termes de parties prenantes ?
- Enfin est-il cohérent avec la trajectoire de ce CTO et notamment les 4M investis dans le Technocampus ? Qu’allons-nous faire sur ce sujet de Technocampus vu le renversement de situation ?
Je voudrais finir mon propos par un point essentiel pour qu’il ne soit pas mépris.
L’idée n’est pas de fustiger des tentatives de recherche ni l’investissement dans la recherche ou de dire que nous serions plus clairvoyants dans les investissements d’avenir. Oui à l’investissement dans la recherche même sans garantie de débouché industriel, c’est le propre de la recherche.
Mais l’idée est de savoir quels investissements font sens pas seulement en lien avec du simple développement économique / nombre d’emplois mais avec une économie locale qui a du sens, qui participe à l’autonomie du territoire et qui offre des perspectives d’emplois locaux pour tout type de qualification, une économie focalisée sur les enjeux locaux et de ce siècle : développement d’une économie circulaire, résiliente et low tech.
A ce sujet je tiens à remercier de nouveau à Joseph Carles et Jean-François Portarrieu pour les interventions économiques externes réalisées dans le cadre des commissions “Prospective et contractualisation”. Elles nous ouvrent régulièrement la voie à des réflexions saines. Je prendrais un exemple d’actualité puisque Joseph les en a parlé dans son liminaire pour inviter les membres de notre Métropole à visionner ces interventions en replay, celle de Bertrand Jouve, directeur de recherche au CNRS en mars 2022 sur l’IA. Il nous avait déjà alerté à l’époque sur les défis de l’IA, son incompatibilité avec la trajectoire des accords de Paris (je donne un chiffre: 20% de la consommation électrique de l’Irlande ce sont ses data centers, sa politique de dumping fiscal lui faisant héberger bcp de GAFAM), sa problématique démocratique sur la source des données et les prises de décision automatiques, et nous avait interrogé en ces termes sur le soutien parfois béat à l’IA et ANITI et la course à la captation de flux financier. “Ne vous demandez pas comment l’IA ? Demandez-vous pourquoi l’IA ?” .
Cette question a été au cœur, malheureusement pas du sommet de l’IA organisé par Emmanuel Macron mais du contre-sommet de nos camarades écologistes “Réinventer l’IA” .
Je pense que plus que jamais nous devons réfléchir en termes de sens donné à nos orientations économiques. Et que société civile, salariés, syndicats, habitantes et habitants sont clés pour y aider.