En complément des interventions de mes camarades, je ne vais pas vous parler de chiffres mais de réalité vécue, pour donner à voir sous un autre aspect, les conséquences des décisions que vous vous apprêtez à prendre.
Pour commencer, je voudrais vous parler d’un spectacle qui s’est joué les 4 et 5 avril, au Zénith de Toulouse, une comédie musicale, inspirée du film La Haine, de Mathieu Kassovitz, sorti il y a 30 ans.
Je ne sais pas si vous y avez été, j’y étais samedi, pour ma part.
Ce spectacle, entre théâtre, danse, musique reprend les scènes principales du film, qui relate une journée à la fois banale et dramatique, de la vie de 3 jeunes hommes habitant de QPV on dirait aujourd’hui. Ces scènes sont entrecoupées de moments dansés et chantés, et nous font toucher du doigt la capacité à rendre universels, compréhensibles, des évènements qui, sinon, nous paraitraient très éloignés de nous.
Ce spectacle révèle la force émancipatrice, la capacité d’expression qu’ont pu avoir la pratique artistique et culturelle pour des acteurs, des danseurs de hip-hop ou de breakdance, des chanteurs de rap. Il fait aussi connaitre ces formes artistiques à un public large.
Enfin, ce spectacle formule l’ambition de parvenir à réconcilier le corps social, à rétablir la cohésion sociale, en nous faisant toucher du doigt la souffrance à la fois des habitants de ces quartiers et des policiers.
Ce spectacle nous dit quelque chose de ce qui se délite et qu’il faut pourtant absolument sauver si nous voulons continuer à nous percevoir comme une communauté.
Vous devez vous demander pourquoi je vous raconte ça. Peut-être parce que la culture, notamment ce qu’on appelle la culture populaire, c’est ce qui bouscule nos certitudes, qui nous fait sortir de nous-mêmes et nous sort de l’abîme.
C’est une illustration du rôle joué par la culture, par le sport, par l’éducation populaire, par les associations pour favoriser la compréhension de comment marche le monde. Ces corps intermédiaires que sont les associations sont des acteurs essentiels qui permettent aux membres d’une société de se sentir appartenir à quelque chose de commun.
Et pourtant aujourd’hui, on nous demande d’accepter d’aggraver la situation de nombreuses associations de notre territoire, voire de signer pour certaines d’entre elles leur mise à mort.
Et ce n’est pas une lubie que l’on aurait, les alertes sur les craintes du monde associatif se multiplient. Le journal Le Monde a fait paraitre le 7 avril les résultats d’une enquête menée par le Mouvement associatif auprès de ses adhérents qui démontrent la gravité des décisions que nous prenons sur un nombre important d’entre elles.
Aujourd’hui, parce que la situation financière des collectivités est bousculée, on nous demande d’accepter d’abandonner tout sens critique, de réduire drastiquement le soutien à des initiatives d’acteurs associatifs intervenant dans le champ culturel, dans les QPV, de 60%, « pour solde de tout compte » a priori, nouvelle formulation apparue dans les délibérations concernées.
Nous sommes en désaccord avec ces choix, fondamentalement et voulons vous alerter sur les conséquences que tout cela aura. Avoir signé un pacte de gouvernance ne justifie pas de céder sans discuter. Affirmer qu’aucun choix politique n’est possible, qu’il n’y a pas d’alternative, c’est participer à l’esprit de résignation qui fait naitre le ressentiment.
Des pouvoirs publics qui ne soutiennent pas le tissu associatif sont des autorités qui se trumpisent, qui créent les conditions d’une fracturation du corps social propice à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite et du retour de la tyrannie.