Nous savons tous que les piscines publiques sont un bien commun indispensable. Elles permettent à nos enfants d’apprendre à nager – un enjeu de sécurité crucial et reconnu par l’Éducation nationale – et offrent à toutes et tous, et j’insiste sur le toutes et tous, contrairement aux piscines privatives, un moyen de se rafraîchir pendant les étés de plus en plus chauds.
Un besoin secondaire, mais réel, est celui du loisir adulte et sportif, en particulier hors période estivale. Mais c’est bien la mission de service public – apprendre à nager et garantir un accès populaire au rafraîchissement estival – qui doit guider nos choix.
Pourquoi je le redis ? Parce que le projet qui est devant nous est celui de passer d’une piscine extérieure non chauffée à une piscine extérieure chauffée.
Et on ne peut plus faire abstraction, en 2025, du fait que le chauffage des piscines est un des postes énergétiques les plus lourds de notre collectivité. À Strasbourg, les piscines représentent près de 30% de la consommation énergétique de l’agglomération.
Pour donner un ordre de grandeur :
- Pour Chapou (1 250 m²), un dispositif de bassin extérieur chauffé, dit « nordique », consommerait 3 GWh par an, soit l’équivalent de la consommation électrique annuelle de plus de 600 foyers Français.
- Un bassin couvert bien conçu et optimisé peut potentiellement descendre à 1 GWh/an pour le même bassin. Mais un équipement mal isolé pourrait monter jusqu’à 5 GWh/an et il est vrai, nous l’avons discuté en commission, pose des soucis de renouvellement de l’air....
Autrement dit, et je m’adresse au futur jury de ce concours, les choix de conception auront des impacts majeurs dans le dossier qui est devant nous en termes de consommation d’énergie et j’implore les membres d’être très exigeants sur la consommation énergétique de cet équipement.
En effet je voudrais rappeler, le rapport Développement Durable le dit bien, nous sommes très loin des objectifs du PCAET autant sur les émissions de Gaz à Effet de Serre que sur la consommation d’énergie. Objectifs que cette majorité s’est elle-même fixée je le rappelle..
Au delà de Chapou, reconnaissons que la collectivité a commencé à travailler le sujet énergétique des piscines, comme cela est également dit dans le rapport Développement Durable que nous venons de discuter, avec l’exemple du complexe Alex Jany où la consommation énergétique a baissé de 686 MWh, soit -42 % entre 2023 et 2024 et 90 000 euros économisés.
Mais nous devons aller beaucoup plus vite et plus loin et notre responsabilité va être de réaliser de douloureux arbitrages vu le coût faramineux en énergie de nos piscines : quels besoins servons-nous en priorité ? Qui en bénéficie ?
Les piscines d’été accueillent surtout des familles, des enfants, une population diversifiée, souvent populaire. À l’inverse, les bassins chauffés en hiver profitent plutôt à une population plus privilégiée, pratiquant le sport-loisir.
Or, si la problématique que nous voulons réellement résoudre est celle de l’apprentissage de la nage et de l’accès social, alors le frein principal n’est pas le manque de bassins chauffés supplémentaires, mais le manque d’encadrement : enseignants, maîtres-nageurs, créneaux scolaires adaptés. Ce sont ces contraintes qui empêchent aujourd’hui les écoles d’aller autant à la piscine qu’auparavant, et ce n’est pas un bassin chauffé de plus qui le changera.
Si notre objectif premier est l’apprentissage de la nage et l’accès populaire à la baignade, alors le chauffage permanent n’est donc pas nécessaire.
Je sais qu’une partie de cette majorité considère que la sobriété n’est pas une option. Mais cette idée progresse dans l’esprit des Toulousaines et Toulousains; qui le voient plutôt comme un retour à la sagesse et au discernement. A l’opposé de la fuite en avant qui semble guider la plupart de vos décisions.
Aussi si l’arbitrage que nous avons devant nous suggère que le loisir vaut de chauffer de l’eau extérieur et des oiseaux et plombe considérablement nos objectifs de réduction de la consommation, nous serons vigilantes et vigilants sur les choix forts qui devront être fait pour minimiser l’impact et examiner des solutions de chauffage innovantes.
Et nous appelons, pour les prochains grands projets énergivores à venir, à des consultations publiques larges de la population. Seule la prise en compte du tableau global environnement, santé, loisir, énergie, inégalités sociales permettra de réaliser des arbitrages conscients et difficiles.