Monsieur le Président, chers collègues,
Merci d’abord M. le maire Frédéric Parre de nous accueillir dans cette belle salle.
Ce conseil paraît peu fourni en délibérations mais il est loin d’être anodin.
Nous examinons deux pièces majeures : le rapport de développement durable et les orientations budgétaires qui viennent. Et de part l’ampleur des chiffres qu’elles donnent comme ceux qu’elles cachent, elles dressent finalement un bilan de vos 2 mandatures M. Moudenc.
Elles disent ce que nous avons fait, ce que nous n’avons pas fait, et ce que nous pouvons encore faire. Elles forment ensemble un tableau de bord inquiétant. Elles sont le miroir d’une gouvernance et un modèle qui s’épuise.
Le “DOB vert” comme on l’appelle d’abord. Il devrait être un temps d’orientation. Or, séance après séance, l’orientation reste celle de la communication. Je le dis sans détour : ce conseil n’est plus un lieu d’arbitrage, mais d’homologation voire d’autoritarisme décomplexé.
Je fais une parenthèse nécessaire tant j’ai été choqué au dernier conseil. Vous nous avez fait en introduction de jolies phrases sur la collaboration métropolitain. Mais ce sont vos propos du dernier conseil, quand le masque tombe, que j’aimerais citer propos à l’attention des élus de cette assemblée: “Je vous mets en garde, mes chers collègues. Parce que, si ce dossier échoue, je peux vous dire que celui du franchissement Nord ne verra jamais le jour. Réfléchissez bien, réfléchissez bien avant de voter.”
Menacer des élus d’une intercommunalité et conditionner un vote à la réalisation d’une autre infrastructure n’est pas une méthode de président de métropole. C’est une pression politique sur des maires, et c’est une faute de gouvernance. A l’heure où la Vième République est à l’agonie et où nos collectivités, communes et Métropole, devraient être le meilleur rempart démocratique du fait de leur proximité avec les habitantes et habitants, vous l’avez dit, nous ne pouvons tolérer ces méthodes si nous voulons réparer notre démocratie.
Dans une intercommunalité, l’autorité doit se gagner par la qualité des dossiers, pas par la menace voilée. Nous pouvons diverger, mais nous devons être exemplaires sur la méthode.
Venons-en aux faits environnementaux. Le rapport liste des réalisations. Dont acte. Mais il évite l’essentiel : nous sommes complètement hors trajectoire sur deux indicateurs cardinaux – les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie – et le bilan du Plan climat-air-énergie territorial n’est pas livré. Sur la mobilité, l’ancien Plan Déplacements Urbain qui nous sert toujours de base promettait 24 % de part modale des transports en commun à l’horizon 2025 ; la réalité est bien plus basse. 13% selon la dernière étude ECM2.
Ces omissions ne sont pas un détail technique, c’est un aveu de retard et, pire, d’impasse sur les transports, par manque d’argent, je vais le détailler.
Et pendant que les preuves du retard du métro s’accumulent contrairement à ce que vous venez de dire à l’instant, que le réseau de transports en commun hors Toulouse se dégrade que le réseau express vélo n’est qu’à 20% de l’objectif de fin de mandat affiché, que la perspective d’une rocade entièrement bloquée tous les soirs à horizon 2030, prédite par les études prospectives multimodales de la DREAL se matérialise, vous précipitez aujourd’hui les délibérations sur la Jonction Est à quelques mois des municipales.
C’est une volonté manifeste de rendre le projet irréversible. C’est une incohérence stratégique avec nos objectifs environnementaux, une hérésie économique, environnementale et un risque flagrant de conflit sur notre territoire, je n’y reviens pas plus.
Je salue ici la clarté de celles et ceux qui s’y opposent : ils défendent l’intérêt métropolitain, pas une bannière partisane et à ce titre je remercie les élus du parti socialiste qui ont eu le courage de regarder ce projet pour ce qu’il représente pour l’avenir et s’y opposer.
Parlons finances. Nous soutiendrons le vœu d’interpellation de l’État : oui, la contrainte sur les collectivités est immense, les transferts de responsabilité cyniques et la compensation très largement insuffisante. Le président de la République, Emmanuel Macron, en multipliant les cadeaux aux plus riches depuis 8 ans, a sapé totalement les ressources de l’État et fait peser un poids budgétaire colossal sur nos collectivités.
Mais je voudrais dénoncer 2 impostures du discours que vous venez de tenir.
La première, c’est que vous critiquez le gouvernement Macron mais vous en êtes le fidèle représentant et allié local. Ce sont vos amis politiques qui votent sans aucun scrupule année après année depuis 8 ans et plus la déliquescence du budget de l’État et augmentent la pression budgétaire sur nos collectivités. Et ce sont vos amis qui préparent un budget avec 5 milliards d’euros de ponction sur nos collectivités.
Pour les municipales 2026 vous venez d’officialiser votre alliance avec le parti présidentiel, l’accueil avec enthousiasme contrairement à d’autres soutiens récents, flirtant avec l’extrême droite, peut-être parce qu’ils sont publiquement plus embarrassants.
Vous êtes le candidat de la Macronie à Toulouse, cela doit être dit et su.
Et se retrancher derrière l’État ne vous exonère pas non plus, M Moudenc, des choix de la collectivité sur la dette.
C’est la deuxième imposture : vous fustigez à longueur de temps le manque de rigueur dans la gestion de la dette de l’État depuis, vous le dites, 40 ans. Mais ça fait 38 ans que vous êtes élu M Moudenc, 38 ans, que vous accompagnez ce mouvement et vous avez fait exactement la même chose que ce que vous reprochez à l’État avec les finances qui étaient saines de notre jeune communauté de communes.
Regardez ce graphique: notre dette cumulée Métropole et satellites est passée de 3,1 milliards en 2017 à 5,3 milliards cette année pour atteindre a minima 7 milliards d’euros en 2030, avec des montages de financement de la 3ième ligne de métro qui font froid dans le dos et un véritable mur de la dette devant nous et pour nos enfants.

Ce n’est pas “de l’investissement pour l’avenir”, c’est une fuite en avant qui asphyxie tous les projets nécessaires : SERM, bus, réseau cyclable, sobriété énergétique du bâti public, végétalisation. La vérité, c’est que nos marges sont étouffées.
La vérité, c’est que votre politique éclate au grand jour.
Votre politique c’est “Après moi le déluge!”
Pourquoi croyez-vous chers collègues que rien n’a été fait du diagnostic et de la concertation sur les transports réalisée par Tisséo depuis 2 ans et que le PDU a été remis à plus tard alors que nous en sommes privés depuis son annulation en 2023 et n’avons que celui de 2012, ce qui est un rare échec à l’échelle française ?
Pourquoi croyez-vous que le bilan du PCAET n’est pas encore fait ?
Parce qu’il n’y a plus rien dans les caisses, mais pas uniquement par la faute du gouvernement ami de M Moudenc mais par la faute de choix d’investissement électoralistes aux coûts exorbitants.
Et probablement parce qu’un Plan Déplacements Urbains qui sortirait aujourd’hui avec dedans des investissements comme le Boulevard Urbain du Canal de St-Martory qui se prépare et plus un sou pour les transports en commun serait de nouveau probablement annulé par la justice pour incompatibilité climatique.
La chanson de M. Briand “tout va bien, tout est sous contrôle bonnes gens” n’est plus audible ni par les maires, ni par les habitants, ni par les partenaires économiques.
J’entends déjà l’argument : “Il faut de grands projets pour une grande métropole.”
Personne ici ne plaide pour l’immobilisme. Nous plaidons pour une hiérarchie claire et soutenable des priorités, et pour des résultats mesurables là où l’impact quotidien est le plus fort. Quand les bus sont saturés et bloqués dans les embouteillages, quand les temps d’attente s’allongent, quand les correspondances ne tiennent pas, quand les pistes cyclables restent en pointillés, quand les bouchons suivent une croissance inexorable, le discours triomphaliste du plus cher projet de transport de France après Paris devient une provocation.
Car une métropole attractive ne se réduit pas au coût d’un chantier, fût-il spectaculaire ; elle se juge à la qualité de service offerte chaque jour.
Notre groupe ne se contente pas de critiquer : nous proposons une méthode et des garde-fous. Car nous allons devoir réinventer un imaginaire et une gestion métropolitaine, seuls moyens de préparer l’avenir avec moins de moyens financiers.
D’abord, un moratoire immédiat sur la Jonction Est, le temps de produire et de publier un comparatif multicritères honnête : coûts complets d’investissement et d’exploitation, bilans carbone chantier et usage, effets de report modal, alternatives phasées, risques juridiques, intégration des citoyens. Ce dossier mérite mieux qu’un passage en force. S’il est si solide, il survivra à la transparence ; s’il ne l’est pas, nous éviterons une impasse coûteuse.
Ensuite, un grand temps collaboratif avec habitantes et habitants, représentants associatifs, agents, tous les élus de ce conseil et des communes adhérentes de Tisséo d’ici l’été prochain pour la construction d’un PDU solide, ambitieux et réaliste.
Troisièmement, une règle d’or climatique et financière : pas d’investissements nouveaux sans démonstration publique de gains d’émissions, de préservation de l’avenir et de valeur mesurable, et sans trajectoire de dette soutenable, publiée, auditée et révisée annuellement. Appelons un chat un chat : nous n’avons plus le luxe des projets “prestige” sans retour prouvé.
Quatrièmement, une démocratie renouvelée assainie : séparer les pouvoirs, il est inadmissible par exemple qu’une seule personne cumule les responsabilités aux finances de la ville de Toulouse, de la Métropole et de Tisséo, partager ce pouvoir avec les maires des plus petites communes, renforcer le du CODEV à qui vous avez écrit une lettre honteuse dont vous parlera ma collègue Caroline Honvault, mise en place de grands processus délibératifs citoyens, des conventions citoyennes sur des grands sujets polémiques comme typiquement la Jonction Est. Mais aussi, Joseph Carles en a parlé, entrer dans plus de coopération avec les autres institutions. La démocratie n’est pas une gêne : c’est une assurance qualité.
Monsieur le Président, je vais être clair : vous ne pouvez pas, dans la même phrase, fustiger l’État, promettre la maîtrise, et creuser la dette locale en concentrant tout sur un seul projet. Vous ne pouvez pas demander la confiance des maires tout en les mettant “en garde” avant de voter. Et vous ne pouvez pas invoquer la transition quand nos indicateurs structurants dérivent. Cette contradiction est devenue votre ligne politique. Elle n’est plus tenable.
Notre responsabilité, à six mois des municipales, est de dire la vérité et d’ouvrir une issue. Nous ne cherchons ni l’affrontement stérile ni l’obstruction. Nous voulons remettre de la lisibilité dans les priorités, de la transparence dans les coûts, et de la prévisibilité dans la dette. C’est ainsi qu’on sécurise le tissu économique qui s’inquiète de l’étouffement de notre Métropole, qu’on respecte la capacité contributive des habitants, et qu’on prépare sérieusement l’adaptation climatique.
En 2026, nous proposons de remettre la Métropole sur une trajectoire tenable et durable. D’ici là, nous demandons des actes : un moratoire, un calendrier et une méthode sur les transports, une règle d’or, une gouvernance renouvelée. Ce ne sont pas des slogans. Ce sont des garanties minimales pour revenir à une politique publique digne de l’avenir.
Vous avez laissé dériver la dette. Ne laissez pas dériver la méthode. Rendez au débat sa place, à l’évaluation sa force, et aux maires le respect qui leur est dû. C’est à cette condition que nous pourrons voter ensemble ce qui est utile et écarter ce qui est risqué. C’est à cette condition, aussi, que la Métropole retrouvera de la confiance.
Je vous remercie.