L’enquête Mobilités 2023 organisée conjointement par Tisséo, le Département de la Haute-Garonne, la Région Occitanie et les services de l’Etat sur l’aire urbaine toulousaine a montré que, si la part modale de la voiture avait reculé depuis 2013, passant de 60 à 52%, le potentiel de report modal c’est à dire le passage de la voiture individuelle à un mode doux, à savoir les transports en commun (dont la part modale stagne à 13% entre 2013 et 2023), le vélo, le covoiturage ou encore la marche à pied, était encore énorme.
En effet, selon la même enquête, 18% des trajets inférieurs à 1 km, 43% des trajets de 1 à 2 kms et 63% des trajets entre 2 et 5 kms sont effectués en voiture dans le périmètre d’influence de Tisséo (453 communes).
Si les freins au report modal sont nombreux et souvent liés à l’infrastructure, il n’en reste pas moins que c’est parfois une méconnaissance des services et de ses avantages qui freinent le report.
Un exemple de cette méconnaissance est le fait que Tisséo vient de lancer son offre de covoiturage nommée Covoitéo dont les premiers chiffres de démarrage montrent un potentiel encore très largement inexploité.
Enfin avec la mise en place de la ZFE, les véhicules Crit’Air 5, 4 ou non classés sont interdits de circuler sur une partie de la Métropole. Et l’Union Européenne est en voie de décider l’abaissement des niveaux d’exposition à la pollution admissibles en Europe, autant sur les dioxydes d’azote que sur les particules fines. Cette décision nécessitera inéluctablement de renforcer les dispositifs de protection des habitants de la Métropole et imposera donc des restrictions de la circulation à la fois plus fortes et plus larges dans l’aire urbaine. Rappelons à ce sujet que Toulouse a obtenu de justesse une dérogation sur l’interdiction du Crit’Air 3 en raison de mesures de sa qualité d’air. Mais ces mesures et leur grille d’évaluation n’étant pas figées dans le temps, il est nécessaire d’anticiper une nouvelle interdiction.
Dans ce contexte, rendre attractive la possibilité de tester les différentes solutions disponibles pour se déplacer autres que la voiture individuelle est une action pertinente. Notamment à l’approche de la rentrée, contexte social de prise de nouvelles habitudes, notamment chez les étudiants ou les familles qui voient des changements scolaires modifiant leurs schémas pendulaires. Comme le dit Jean-Charles Kohlhaas, vice-président de la Métropole de Lyon délégué aux Déplacements et aux Intermodalités « En matière de mobilité, les habitants doivent pouvoir tester avant de choisir ».
La Métropole du Grand Lyon a ainsi décidé de lancer une expérimentation allant en ce sens, en proposant en avril 2024 l’offre suivante « Découverte Mobilités » (3) à l’attention des néo utilisateurs des services de report modal : « trois mois d’abonnement au réseau TCL ; deux trajets passagers par jour avec le service de covoiturage En Covoit’ pendant trois mois ; trois mois d’abonnement au service d’autopartage Citiz avec 75€ de crédits offerts ; un an d’abonnement à Vélo’v ; 1 an de mise à disposition d’un vélo Free Vélo’V pour les publics éligibles (étudiants, jeunes en parcours d’insertion ou en recherche d’emploi, de 18 à 25 ans) ».
Cette action affiche déjà un grand succès avec 10 000 demandes en quelques jours pour cette offre “Découverte Mobilités” dont 45% de souscripteurs utilisent quotidiennement leur voiture et l’ont comme principal moyen de transport.
L’existence quasi à l’identique de ces services à l’échelle de Tisséo rend facilement réplicable cette offre dont il convient d’étudier précisément les termes de durée, éligibilité et coûts.
L’expérimentation induite sur la gratuité des transports, par le biais de cette offre, permettrait en outre de compléter la connaissance que nous avons déjà basée sur les retours d’expériences européens (Dunkerque, Tallin en Estonie, Luxembourg, Montpellier) qui montrent que l’impact sur l’équilibre financier de l’autorité organisatrice des transports est notable (30M de perte de recettes annuelles pour Montpellier, estimé à 100M à Toulouse). Elle permettrait d’en étudier les bénéfices en termes d’augmentation de fréquentation des transports en commun, de report modal, et d’évolution de la sociologie d’usagers.
Il convient donc de dimensionner l’initiative à notre réseau dans un compromis incitation / impact financier fin, étant donné les tensions financières sur Tisséo.
Cette expérimentation permettra ainsi également d’évaluer le bénéfice et l’impact d’un élargissement de dispositifs de gratuité (transports en commun, vélos, covoiturage, autopartage) à des dispositifs plus pérennes ou plus larges (population éligible).
Une action spécifique, comme à Grenoble, envers nos agents et leurs déplacements à la fois personnels et professionnels pourrait enfin être envisagée avec une campagne de promotion et d’information forte à leur encontre, portée par Toulouse Métropole.
La mise en place d’un cadre d’évaluation de cette campagne de gratuité temporaire sera indispensable pour permettre à la Métropole de tirer les conclusions nécessaires sur l’orientation de ses politiques de mobilités favorisant le report modal. Pour cette raison, la mise en place de cette évaluation devra définir de manière détaillée les variables mesurées, la méthode et temporalité des mesures (a minima en amont puis sur la fin de l’intervention), et les critères de satisfaction usagers sélectionnés.
Les variables d’intérêt pour cette intervention pourraient être par exemple :
A. Le nombre absolu de voitures comptées sur des voies de référence
B. Les taux d’utilisation de la voiture et des autres moyens de transport (en distinguant transports en commun, covoiturage, autopartage, vélo et marche,) par des personnes sélectionnées ou tirées au sort (étude longitudinale)
A partir de (B), pourront être calculés les reports modaux depuis la voiture vers les transports promus par cette expérimentation.
Il sera également opportun de croiser les informations des populations ayant choisi l’offre avec la récente étude de l’AUAT “Mobilités : un outil pour croiser offre et demande en transports en commun” qui a croisé les données d’offre transport en commun et demande.
Le Conseil de Métropole, réuni le jeudi 20 juin 2024 décide :
Article 1
De demander à Tisséo de lancer l’analyse technique et financière d’une campagne de gratuité temporaire à la rentrée de septembre des services de report modal suivant : transports en commun, réseau Vélo Toulouse et services de location longue durée de vélo, covoiturage Covoitéo et services d’autopartage.
Article 2
De s’engager à promouvoir cette offre auprès des agents pour leurs transports personnels par des campagnes internes et d’étudier les coûts de mise à disposition des mêmes services pour leurs déplacements professionnels.
Article 3
De s’engager à promouvoir cette offre auprès des acteurs économiques dans le cadre du Pacte Climat 2030 et également associatifs via le PCAET comme relais clé de l’action.
Article 4
De demander à Tisséo la mise en place d’un cadre d’évaluation de cette campagne de gratuité temporaire pour permettre à la Métropole de tirer les conclusions nécessaires sur l’orientation de ses politiques de mobilités favorisant le report modal.