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Conseil de métropole du 14 octobre 2021 – Liminaire de François Piquemal
Conseil de métropole du 14 octobre 2021 – Liminaire de François Piquemal

Conseil de métropole du 14 octobre 2021 – Liminaire de François Piquemal

Monsieur le Président, chers collègues. 

Introduction 

C’est un plaisir de vous retrouver ici tous entiers, après l’été que nous venons de traverser.  

Et je tiens vous le comprendrez aisément, à commencer par remercier nos sapeurs pompiers, nos militaires, nos hospitaliers qui ont été en première ligne face aux dégâts que nous avons encore eu à déplorer cette année. 

Une pensée aussi pour toutes celles et ceux qui ont perdu un proche à cause du dôme de chaleur qui s’est étendu sur l’Occitanie, les habitants de Blagnac notamment qui ont vu pour certains leurs logements s’effondrer suite aux fissures engendrées dans les murs.  

Saluons le fait que nous ayons su faire preuve de solidarité vis à vis des habitants des Pyrénées ou la fonte des glaciers associée aux vagues suffocantes de cet été ont contraint nombre d’entre eux à trouver refuge aux abords de nos communes. 

Notre solidarité aussi avec les réfugiés bordelais et du marais poitevin accueillis dans le camp de Cornebarrieu suite à l’engloutissement de leur ville. Certes ont peur du grand remplacement avec ces gens venus du Nord qui disent “pain au chocolat” et pas “chocolatine”, mais il est notable que les bordelais en signe de bonne assimilation ont renoncé à leur tradition barbare de célébrer Noël sans sapin.  

Il faut dire que grâce à nos qualités de visionnaires, la Métropole a stocké des sapins pour les six prochaines années afin de ne pas dépendre de la flambée des prix liée au manque de ressources suite aux nombreux incendies qui ont touché les forêts de conifères sur la planète. 

Merci à Big Flo et Oli qui ont annoncé que la recette de leur concert prévu au Vinci Stadium serait donnée aux sinistrés de cette énième vague de chaleur.  

 Bien sûr s’ils peuvent faire ce concert annulé la dernière fois après que Big Flo ait attrapé le Covid variant Omega suite à l’utilisation d’un brumisateur mal désinfecté.  Il faut dire qu’à bientôt 60 ans sa santé de fer n’est plus la même et que l’on attend le futur vaccin avec impatience. 

De l’autre côté de l’Atlantique, des activistes se réunissaient cet été, à 47 ans Greta Thunberg y est d’ailleurs toujours vaillante, pour réclamer un changement d’orientation aux pays membres de la Cop 50. Hélas beaucoup de présidents dont celui de la France sont d’accord pour dire que s’ils conscients du problème ils ne veulent pas verser dans une écologie punitive.  

Ils ont d’ailleurs validé la mise en place de la 13 G qui permettra de nous relier plus rapidement que la 12G grâce aux objets connectés fabriqués à l’aide des minerais découverts sur la planète Musk, grâce aux expéditions du programme spatial Bezos Project. 

Localement nous sommes moins rassurés, en effet nos liaisons avec Paris sont devenues compliquées depuis que certaines portions de la LGV, inaugurée il y a 8 ans, sont aujourd’hui immergées en Nouvelle Aquitaine. 

Autre mauvaise nouvelle: conditionné à l’arrivée de la LGV, les travaux pourtant moindres du RER Toulousain restent eux bloqués. Néanmoins, pour le bien des toulousain.e.s coincés dans les bouchons il a été annoncé l’ouverture d’une cinquième rocade, nous voilà donc rassurés.  

Une autre bonne nouvelle annoncée depuis les salons du dernier étage de la Tour d’Occitanie: le prix du toulousain de l’année a été remis à une start up qui a créé un arbre connecté, il sera expérimenté bientôt dans le quartier Saint Cyprien. On espère pouvoir en mettre bientôt ailleurs notamment sur la Tour Occitanie elle-même puisque les restrictions en eau ont obligé à y laisser mourir les plantes qui devaient la couvrir. 

Pardon, je me rends compte depuis le début que je lis le liminaire que nous avons prévu pour septembre 2050. Enfin le Liminaire prévu si nous nous trouvons dans le scénario décrit par le Giec si nous ne faisons rien pour changer les choses.  

Récemment encore Météo France nous informait qu’on avait compté 6 vagues de chaleur 1947 à 1985 et puis 32 de 1985 à 2020, soit 5 fois plus.  Si rien n’est fait pour réduire les gaz à effet de serre, on pourrait observer d’ici 2050, une accélération constante avec 3 vagues de chaleur par an. 

Heureusement nous sommes en septembre 2021 et s’il est trop tard pour stopper le réchauffement climatique à court et moyen terme, nous pouvons encore en limiter les effets et inverser la tendance à long terme. 

En effet, il existe une autre trajectoire qui en réduisant les émissions de gaz à effet de serre à 0 d’ici 2050 devrait permettre d’avoir « une petite chance » de conserver un climat qui reste aux alentours de 1,5°C plus chaud que le climat pré-industriel. 

Pour cela nous vous proposons ici un chemin pour l’horizon 2050. Du point de vue du temps et de la terre que nous étayerons tout au long du Conseil par des propositions. 

L’espace 

On parlait plus tôt des terres immergées en introduction mais ce qui a été sous l’eau récemment dans le Sud de la France, c’est le port de Marseille et les PLUIH et PDU de notre métropole.  Deux documents structurant majeurs qui doivent permettre de donner une orientation aux politiques métropolitaines. 

La nature ayant horreur du vide deux nouveaux documents cadres nous ont été proposés. Un engagement de la mise en œuvre d’une stratégie foncière et un projet de pacte métropolitain pour l’Habitat. 

Concernant le premier on ne peut que se féliciter que la “sobriété foncière” et l’objectif du “Zéro Artificialisation nette” soient validé, cela alors qu’il y a encore quelques mois encore vous appeliez, M. Moudenc,  les parlementaires à ne pas aller trop loin sur le sujet dans le cadre de la Loi Climat. 

Avancée également quand l’expression “stratégie foncière” est utilisée, même si on peut regretter, comme sous-entendu dans le document, qu’elle ait été inexistante lors de vos 6 dernières années de mandat.  

Voici pour les bonnes volontés qui se heurtent toutefois à vos actions passées, actuelles, et futures:  

« La frugalité foncière » visant à éviter l’étalement urbain s’arrête à votre volonté de démolir des immeubles viables contenant parfois jusque 260 logements comme ceux du Mirail par exemple pour y envoyer les habitants plus loin avec l’impact carbone qu’ont ses démolitions reconstructions et l’étalement urbain que cela implique. 

L’horizon pour 2050 devrait être la rénovation et la réhabilitation de tous les bâtiments existants qui ne sont pas en péril et qui sont fonctionnels. Ce serait aussi une opportunité de diversification économique pour notre ville en créant une chaîne de formation, de recherche liée à la filière de la transition écologique des bâtiments et cela permettrait de créer de nombreux emplois. 

Contradiction encore quand on s’auto-congratule autour du Meet  qualifié dans Le Monde “d’ énorme entrepôt en béton d’un autre temps, monumental et énergivore”. Le prix écologique qu’a été sa construction: 700 000 m3 de terre déplacés soit l’équivalent d’un an de terrassement sur toute l’agglomération toulousaine avec 9 000 camions toupies déversant des tonnes de béton, quelle cohérence  avec la nécessité affichée “d’éviter de consommer les espaces naturels ou agricoles »? 

Contradiction toujours cette fois dans le projet de « pacte métropolitain pour l’habitat ».  

En trois ans la demande en logement a augmenté de 30% pour atteindre 38 000 demandeurs, dont 75% éligibles au logement très social.  

Deux principales raisons: votre refus d’encadrer les prix des loyers, votre volonté de faire du logement social non pas pour loger ceux qui en ont le plus besoin, mais comme un outil pour engorger la demande afin que les gens se désespèrent et partent de Toulouse vers des communes limitrophes, et in fine gentrifier la ville de Toulouse en espérant que les autres communes amortissent votre rêve d’en faire une ville réservée en grande partie aux touristes d’affaire.  

A ce sujet Marie-Christine Jaillet présidente du Codev fait un constat similaire lorsqu’elle parle de nombreux quartiers de Toulouse: “L’accroissement du prix des logements ne permet alors plus aux classes populaires d’y habiter”. La Grave est un exemple éloquent de cette politique, nous en parlerons tout à l’heure concernant les chiffres de logements sociaux annoncés qui sont très contestables. 

Nous sommes sous l’eau, pas seulement à cause de vos grands projets anti-écologiques, mais aussi car vous n’avez pas de vision autre que celle que des opportunités ponctuelles. 

Vous dites vouloir réguler le prix du foncier en captant des biens fonciers et immobiliers mais n’avez eu de cesse de brader du patrimoine publics: l’immeuble le Fidelio (5 500 m² en centre ville), le Quai Saint-Pierre, la Grave, les immeubles de la Reynerie, ceux de la Cité Bleu de Caffort, j’en passe et des meilleures.  

Vous voulez être un président bâtisseur, vous êtes pour l’instant surtout un président démolisseur. 

Démolisseur de la nature quand vous dites ne pas vouloir d’étalement urbain mais mettez tout en place pour que les gens aillent voir plus loin pour se loger, dans des endroits souvent mal desservis en transports en commun ce qui les contraints à prendre leurs voitures. 

Le Temps 

La voiture, parlons en. En septembre, le temps total que nous avons passé au volant pour aller travailler a été évalué, en moyenne, à 36 heures dont 14 perdues à cause des bouchons.  

En moyenne un automobiliste à Toulouse passe plus de 5 jours dans les bouchons, comme prévu l’élargissement de la rocade avec le tronçon 2 fois 3 voies n’y change rien. 

Des bouchons plus importants qui résonnent avec la grève des Traminots la semaine passée, à qui nous tenons à apporter notre soutien dans leur lutte contre la privatisation des lignes de bus. Cela afin de ne pas être usés par des conditions de travail encore plus éprouvantes que celles qu’ils connaissent actuellement et qui en fatiguant les agents mettent en danger les usagers. 

 Ils se battent pour le service public, celui qui assume qu’aucune petite ligne de bus n’est accessoire car elle doit permettre à toutes et tous d’avoir accès aux services, au travail, aux loisirs. Il faut même en développer davantage. 

Elles et ils s’appellent Carole, Guy, Cindy, leur combat est aussi pour la planète et pour le temps, celui qu’on pourrait gagner dans les transports en commun plutôt que dans la pollution du périphérique. Cela grâce à des lignes de bus efficientes desservant tout le territoire métropolitain autour d’un RER toulousain qu’il est temps de ne plus cantonner à des études prospectives qui n’en finissent pas d’être conditionnés à l’arrivée de la LGV dont on ne sait quand elle arrivera précisément, et conditionné également aux dépenses plombantes de la troisième ligne de métro. 

Les transports en commun sont une conquête du temps et vous le aidez pas quand vous augmentez les tarifs des transports communs y compris pour les jeunes et nos anciens. 

Le temps, c’est aussi ce qui nous différencie vous et nous et M. Moudenc. La catastrophe écologique en cours est un conflit de temporalités. Nos sociétés sont percutées de plein fouet par le temps de la terre.  

L’urgence n’est pas de ralentir, elle est de réduire le décalage entre le temps de la planète et le nôtre, de remettre nos pas dans les siens, non en « rattrapant » un quelconque retard, mais en refusant la course. 

Cette course et ses fondements idéologiques dont avons eu de nouveaux extraits lors du sommet Big BPI France, où la Ministre de l’Industrie nous a expliqué que “lorsque tu vas sur une ligne de production ce n’est pas une punition, c’est pour ton pays et pour la magie” et où Xavier Niel assène tranquillement que « ce qui doit habiter chaque entrepreneur c’est d’avoir « envie de buter la concurrence, (…) et d’aller tuer ses adversaires ». Le slogan de cet événement était le suivant: “Conquérir, c’est grandir et accélérer” 

Cette course est une guerre économique des uns contre les autres qui nous enjoint à aller toujours plus vite dans le mur 

Conquérir, accélérer, c’est sur cet autel que sont bâtis les grand projets inutiles, le dernier en date pour la Métropole étant le Meet, et c’est une des exposantes qui explique le mieux le paradoxe dans les pages d’un journal local suite à l’expérience d’un méga-bouchon aux barrières du parking-silo de 3000 places  

« C’était un enfer, raconte t-elle, elle a cru mourir dans les vapeurs des pots d’échappement. Pour accéder au parking à plusieurs étages on a la même impression que quand on rentre sur un ferry avec plusieurs voies de circulation qui distribuent les différents niveaux. (…) Quand tout le monde part en même temps, c’est l’asphyxie ».« Ce que je ne comprends pas, poursuit-elle, c’est que le stationnement soit payant, alors que le Parc-Expos a été justement construit à l’extérieur de Toulouse sur un site immense et que l’on est obligé de prendre sa voiture pour s’y rendre quand on n’habite pas dans un endroit desservi par les transports en commun. Et le comble, c’est que jeudi, c’était le salon des demandeurs d’emploi qui en ont été de leur poche devant payer aux barrières automatiques de paiement. Ce n’est pas très cohérent »…  

Cette dame a raison, tout ce que vous construisez est principalement à destination de touristes d’affaires comme vous le dites noir sur blanc dans la présentation du Meet, qui viendraient en avion, prendraient un uber qui exploite des précaires, pour rentrer dans un bâtiment qui ressemble à un ferry symbole d’un tourisme dépassé et à priori toujours pas adapté aux personnes en situation de handicap.  Le soir il louerait une chambre au 7ème étage de la tour non mixte dite Occitanie Tower, tout en réfléchissant à investir comme de nombreux parisiens dans un appartement à Toulouse où les prix des loyers ne sont pas contrôlés pour y faire de la spéculation locative. 

Une certaine vision du paradis de quelques-uns bâti sur l’enfer climatique et social qu’ils font subir au plus grand nombre. 

Nous concernant nous voulons sortir de cette accélération et de cette inconséquence écologique en proposant que la collectivité renoue avec une certaine sagesse. Cela ne signifie pas la décroissance comme certains le fantasment, mais se remettre dans les pas de ce que supporter la planète et le vivant. 

Il s’agit de construire un temps pour soi et les autres, un temps du nous plutôt que celui de la guerre du “je”. 

Un temps qui ne se vautre pas dans l’obsolescence programmée et ses objets-déchets exigeant un renouvellement permanent qui tarissent les ressources de la planète. 

La sagesse c’est sortir de  l’immédiateté, de la perte de sens du monde qui nous affecte et nous déracine. 

Les seuls moments où nous respirons mieux c’est quand Face Book et Instagram tombent en panne et nous exonèrent de la pression de dizaines de notifications. Nos vies ne sont pas des storys de 24h, que l’on compresse, avale, recrache sur l’autel de l’immédiateté permanente.  

On connaissait les burn-out, les dépressions, apparaît une nouvelle forme de symptôme face à ce que nous vivons: ce que Genevève Azam nomme la « solastalgie », traversé des douleurs de l’écocide et du « terracide », de détresses sans consolation face aux bouleversements climatiques. 

C’est aux maux de la terre, du vivant et notre espèce que nos villes doivent répondre. Cela passe par ne plus penser nos villes qu’en terme d’espace mais aussi de temps. Celui qui nous permettrait de se trouver à 5 minutes à pied des commerces ou d’un parc, à dix minutes des transports en commun, à quinze des équipements culturels et sportifs et ainsi de suite…  

La question de l’espace, est celle de savoir qui peut vivre, à quel prix dans nos communes. La question du temps est celle de comment nous y vivrons, avec quelle qualité de vie, du bien être, de la sécurisation de chaque habitant. 

 La « ville du quart d’heure” et du bien vivre voilà un objectif pour l’avenir. 

Je parlais tout à l’heure de Big Flo et Oli, permettez moi de conclure en transposant ici les paroles d’une de leurs chansons célèbres: “On dû y aller, on aurait du le faire croyez moi, on s’est tous dit ah c’est dommage, ah c’est dommage, c’est peut être la dernière fois.” 

A moins que nous changions de route pour 2050.