(Aymeric Deheurles)
Suite à des échanges un peu houleux sur Twitter, je pense qu’il y a une profonde méconnaissance de l’étendue des possibilités d’un élu d’opposition, à la ville ou à la métropole.
Donc on va démystifier un peu le sujet. Rappelons en préambule le rôle essentiel de l’opposition, quelle qu’elle soit, pour représenter une diversité en démocratie, où les désaccords doivent pouvoir être posés et discutés. Après, le mode de scrutin actuel est-il vraiment représentatif de toutes les opinions, c’est un autre sujet.
Vous le savez, vous êtes élu
Alors en fait, non. Ou en tout cas, s’il existe vraiment un phénomène magique qui se passe la nuit suivant l’élection, avec une lumière qui descend et qui imprègne le ou la nouvel(le) élu(e) de toutes les connaissances sur tous les dossiers et tous les processus administratifs, pour moi elle s’est trompée d’adresse. Si ça se trouve, j’ai des voisins qui sont des puits de science à ma place.
Mais donc, qu’on soit élu dans la majorité ou la minorité, si on est nouvellement élu, et qu’on n’a jamais eu un quelconque mandat auparavant, on ne sait rien.
Mais rien.
Du tout.
On découvre tout sur le tas, au contact des pas nouveaux élus, ou lors des conseils, en découvrant ce que l’on peut faire ou ne pas faire.
C’est bien le problème, vous ne savez pas. Comment des citoyens peuvent être au courant et pas un élu ?
Ah bah de façon très simple : ils habitent sur place et ils sont confrontés au problème. Mais il y a d’autres citoyens qui habitent ailleurs, et qui sont au courant d’autres choses. Mais qui ne sont pas les mêmes.
Chacun a tendance (et c’est compréhensible) à considérer que SES problèmes sont LES problèmes de tout le monde, et qu’ils représentent l’urgence absolue à résoudre impérativement avant la faim dans le monde, qui est somme toute relativement secondaire. Et que SES problèmes, qui concernent tous les gens autour, sont des problèmes que TOU(TE)S LES ELU(E)S doivent impérativement connaître, parce que sinon ce sont des moins que rien.
Bah non. Un élu n’est pas omniscient, ou en tout cas, moi je ne le suis pas, et n’ai pas vocation à l’être. Je suis au courant d’une infime partie de tout ce qui concerne Toulouse et sa métropole, mais je monte en compétence sur plusieurs sujets progressivement. Mais d’autres élu(e)s sont, eux/elles, plus au fait que moi sur d’autres sujets, et inversement. Et on se complète.
Un élu d’opposition, il fait quoi dans sa vie ?
Il fait ce qu’il faisait avant son élection, et en plus de ça il essaie de faire au mieux son mandat.
En ce qui me concerne, je suis informaticien, dans le développement informatique ; donc j’ai un boulot à plein temps, qui m’occupe pas mal, j’ai aussi une femme et deux enfants dont j’essaie de m’occuper du mieux possible, je suis aussi parent délégué et membre du conseil d’administration du collège de mon secteur, et ça aussi ça occupe un peu (beaucoup, parfois).
Alors après, en tant qu’élu d’opposition, on fait quoi ? On s’est inscrit dans des commissions municipales et métropolitaines ; en ce qui me concerne, je suis dans la commission « petite enfance, bien grandir, sport, culture » à la mairie (donc une commission assez vaste, hein, parce que tout ce qui concerne les écoles, c’est déjà pas mal, et on ajoute le sport et la culture), et dans « sports et bases de loisirs » et « économie circulaire et déchets » à la métropole.
Pour chacune de ces commissions, on reçoit l’ordre du jour une semaine avant, en général. Il y a une commission avant chaque conseil.
Des conseils municipaux, à Toulouse, il y en a 4 par an (le minimum légal), et 6 conseils métropolitains (pareil).
Lorsqu’on a reçu l’ordre du jour, on a donc quelques jours pour examiner les différentes délibérations déjà totalement préparées par les services de la mairie (pour celle de la mairie, c’est parfois plusieurs centaines de pages en pdf en comptant l’exposé complet des délibérations, les annexes, les tableaux de chiffres, les copies d’écran), et préparer ses questions éventuelles. Les commissions durent entre 30 minutes pour les plus rapides et quelques heures pour les plus longues.
Et ensuite viennent les conseils.
Là encore, une semaine avant le conseil (voire un peu moins : pour le conseil municipal qui a toujours lieu un vendredi, c’est le vendredi d’avant ; pour le conseil métropolitain qui a lieu un jeudi, c’est le vendredi d’avant aussi), on reçoit l’ordre du jour avec toutes les délibérations. Et là c’est du costaud : on a parfois jusqu’à 230 délibérations réparties dans une trentaine de chapitres. Et une semaine pour tout préparer, pour essayer de déterminer s’il y a des loups quelque part, pour préparer des interventions. Alors vu qu’on est un groupe, et qu’on a essayé de se répartir au mieux dans les différentes commissions, bah on met en commun nos avis, et on suit généralement l’avis de la personne qui était dans la commission du chapitre concerné. Mais même là, c’est impossible d’être sûr qu’on a rien loupé. Sachant qu’on fait tout ça sur notre temps personnel. Donc moi c’est pendant le week-end, donc du temps en moins avec ma femme et mes enfants, ou après le boulot en semaine, donc là aussi du temps en moins avec ma famille + du temps en moins pour dormir.
Et avec quels moyens ?
C’est fonction de la taille du groupe auquel on appartient. Notre groupe à la ville contient 7 élu(e)s, 9 à la métropole, et pour chacun de ces groupes on a un montant alloué par élu(e)s qui nous sert à employer nos collaboratrices (3 temps partiels en cumulé).
Et c’est tout.
C’est à chacun de nous de suivre l’actualité, de noter les choses intéressantes ou problématiques. Nos collaboratrices nous aident pour toute la partie administrative, parce qu’il y en a, et pour assister à certaines commissions pour nous aider à prendre des notes ; elles nous aident à synthétiser tout ça pour la préparation des conseils, et nous aident dans la communication externe (réseaux sociaux et conférences de presse).
Les élu(e)s de la majorité ont à leur disposition toute la puissance des services de la mairie et de la métropole. Des agents publics, qui travaillent sur chacun des dossiers, rédigent les délibérations, les accompagnent sur le terrain, etc. Nous, lorsque nous allons sur le terrain, c’est en nous organisant entre nous, sur notre temps libre aussi. Quant à l’accès aux agents, pour nous, bah… non.
Mais vous êtes payés pour ça ?
Oui, on a une indemnité d’élu, relativement confortable : c’est indiqué sur le site de la mairie de Toulouse (exemple pour moi : Au titre du mandat municipal : 303 € ; au titre du mandat à Toulouse Métropole : 863 € ). Ça sert à compenser les demi-journées ou journées entières que je prends en congé sans solde pour pouvoir assister aux commissions, aux conseils, et aux autres obligations (moi par exemple je fais partie, pour la métropole de Toulouse, du conseil d’administration de Zefil, qui s’occupe du déploiement de la fibre optique sur la métropole).
Et vous avez quoi comme résultats ?
Bah pas grand-chose. Lors des conseils municipaux et métropolitains, il y a un ordre du jour imposé. Si on veut parler d’un sujet en particulier, pour faire remonter des revendications ou des inquiétudes qui nous ont été remontées, il faut arriver à trouver une délibération dans l’ordre du jour qui est en lien avec ce sujet. Sinon, il y a possibilité d’en parler durant le propos liminaire, ou lors d’un vœu ou d’une question orale à la fin du conseil.
Mais pour quel résultat, là… Globalement, les interventions durant le conseil, ça ne change strictement rien. A part énerver éventuellement les interlocuteurs en face, ce qui n’avance pas à grand-chose. Les vœux, la plupart du temps, sont soit vidés de leur sens, soit refusés. Il arrive de temps en temps qu’il y en ait un qui passe, quand le sujet fait consensus. Pour ce qui est de la mise en application des vœux acceptés, pour certains on attend toujours.
C’est plus en commissions que l’on peut faire des propositions ou suggestions qui peuvent être approuvées.
On peut sinon écrire des courriers officiels aux élu(e)s de la majorité, et dans ce cas on obtient une réponse quelques jours / semaines plus tard. Mais ça se limite quand même pas mal à ça.
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